Télétravail et accident de travail : attention aux conclusions trop hâtives !
Télétravail et accident de travail sont souvent au coeur des débats avant la mise en place de ce mode de travail ! Chuter dans l’escalier qui mène de son canapé à son bureau, est-ce un accident domicile-travail ? Mais est-ce vraiment si courant ?
Accident en télétravail : ce qu’il faut savoir
Un risque diminué en télétravail.
Le risque le plus fréquent au travail (hors secteur spécifique comme le BTP), c’est l’accident qui survient lors du trajet domicile-bureau. En télétravail, le trajet est supprimé, donc le risque est moindre. Pour autant, un commercial qui a un accident en se rendant chez un client alors qu’il travaille de chez lui, peut faire valoir un accident de trajet. Celui-ci doit être déclaré à la CPAM par l’employeur qui le prend en charge comme un accident du travail. Mais comme il exclut d’office la faute inexcusable de l’employeur, l’accident de trajet est moins bien pris en charge. Aussi et contrairement à l’accident de travail classique et la maladie professionnelle, le salarié ne bénéficie pas d’une protection contre la rupture du contrat travail pendant son rétablissement.
En télétravail, la délicate question du lieu et de l’heure de l’accident
Pendant les horaires de travail, le salarié (même en télétravail) est placé sous la subordination de l’employeur. Si un salarié est victime d’un malaise à 16h à son domicile, l’accident de travail est assez simple à prouver : les pompiers ou le médecin sont arrivés à telle heure, c’est ce qu’on appelle un début de preuve. En revanche, une personne en télétravail qui est renversée à l’heure du déjeuner alors qu’elle se rendait à la boulangerie aura beau bénéficier d’une présomption d’accident de travail, elle aura des difficultés à montrer qu’elle était bel et bien en train de travailler à ce moment-là. L’accident aura des chances d’être requalifié. Après, lorsqu’une personne a un accident passé 21h, donc en dehors des horaires classiques de travail, le salarié aura également plus de mal à justifier qu’il télétravaillait. Sauf s’il a l’habitude d’envoyer des mails dans la soirée, cela sera laissé à l’appréciation des juges. Ainsi, l’interprétation est bien plus importante dans les dossiers d’accidents dans le cadre du télétravail.
Lien entre télétravail et maladie professionnelle
Lorsque les salariés travaillent depuis leur domicile, ils ont tendance à sous-estimer leur mal-être, à ne pas faire le lien avec leur activité professionnelle, et oublient de collecter des preuves (messages menaçants, appels téléphoniques à des heures tardives…). Si un salarié en télétravail est trop stressé à cause de son emploi ou qu’il est victime d’un burn out, il peut demander un arrêt de travail à son médecin traitant. Pour autant, s’il souhaite obtenir une réparation, le lien entre la détérioration de son état psychologique et sa situation professionnelle devra être prouvé. Il devra alors demander une reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la Sécurité sociale ; ce qui est loin d’être automatique. Après une longue enquête, le lien finit généralement par être établi, mais ce genre de dossier prend du temps, et nombreux sont ceux qui abandonnent en cours de route. Dans ce cas-là, l’accompagnement par un avocat est nécessaire et doit se faire le plus tôt possible.
En télétravail, l’entreprise se doit d’être plus vigilante !
Plus qu’en présentiel, l’entreprise doit veiller au bien-être de ses collaborateurs en assurant un suivi du temps de travail à distance. L’employeur doit être en capacité d’évaluer la charge de travail, de faciliter le droit à la déconnexion… Face à une situation de stress important, deux individus ne vont pas réagir de la même façon. Certains gèrent moins bien la pression que d’autres, ce qui laisse encore une fois place à l’interprétation. Pour autant, le suivi psychologique des salariés qui leur est dû doit être maintenu à distance. Pour les salariés en forfait jour, des entretiens réguliers doivent être organisés : tout ne doit pas reposer sur l’auto-responsabilition des collaborateurs.
Accompagner la mise en oeuvre du télétravail
Avocat au barreau de Paris et Docteur en droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER met ses compétences au service de ses clients dans les domaines du Droit du travail et social, de la liberté d’expression en ligne et du Droit des nouvelles technologies, de l’informatique et de la communication. Il a publié « Le droit du travail à l’heure du numérique » (2021) aux éditions Nuvis.