Harcèlement moral institutionnel : définition, mécanisme et conséquences

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Harcèlement moral institutionnel : définition, mécanisme et conséquences

Quest ce que le harcelement moral institutionnel

Le harcèlement moral institutionnel désigne une stratégie managériale ou une politique d’entreprise qui, volontairement ou par négligence, dégrade les conditions de travail de manière systématique. Contrairement au harcèlement individuel, il affecte une communauté entière de salariés, engendrant un climat professionnel oppressif et toxique.

Ce type de harcèlement, reconnu par la jurisprudence française, soulève des enjeux juridiques majeurs pour les entreprises et leurs dirigeants. Dans cet article, nous analyserons sa définition, son fonctionnement, et ses impacts, tout en explorant les moyens de le prévenir efficacement.

Qu’est-ce que le harcèlement moral institutionnel ?

Le harcèlement moral institutionnel désigne une situation où les dirigeants d’une entreprise mettent en œuvre une politique générale qui, en toute connaissance de cause, dégrade les conditions de travail des salariés. Il s’agit d’agissements répétés affectant une communauté de travail entière ou une grande partie des salariés. Ces actions dépassent le simple exercice du pouvoir de direction en créant un environnement professionnel anxiogène ou oppressif. Selon l’article 222-33-2 du Code pénal, le harcèlement moral est caractérisé lorsque des agissements répétés ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail, portant atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé des salariés.

Quels sont les comportements constitutifs de harcèlement moral institutionnel ?

Les comportements qualifiés de harcèlement moral incluent toutes les pratiques répétées visant ou ayant pour effet de dégrader les conditions de travail. Cela peut inclure :

  • Une surcharge ou absence de travail,
  • Des réorganisations incessantes,
  • Une pression excessive pour des résultats,
  • L’isolement des employés,
  • La mise en place de missions dévalorisantes. 
  • Selon la jurisprudence (Cour de cassation, pourvoi n° 22-87.145, 21 janvier 2025), ces pratiques, lorsqu’elles sont inscrites dans une stratégie managériale globale, constituent un harcèlement moral institutionnel.

Harcèlement moral institutionnel : quelles conséquences légales pour les entreprises et leurs dirigeants ?

Les entreprises et leurs dirigeants peuvent être tenus responsables pénalement et civilement lorsque leurs politiques entraînent une dégradation des conditions de travail. La responsabilité pénale des dirigeants repose sur leur connaissance et leur implication dans ces pratiques.

La Cour de cassation a jugé que l’article 222-33-2 du Code pénal s’applique également au harcèlement moral institutionnel, même si cette notion n’est pas explicitement mentionnée. Les sanctions peuvent inclure des peines d’emprisonnement, des amendes (comme les 15 000 euros infligés dans l’affaire précitée), ainsi que des dommages-intérêts pour les victimes.

Quels sont les signes d’un harcèlement moral au sein d’une organisation ?

Les signes incluent des comportements systémiques ou individuels qui altèrent le bien-être des salariés, tels que :

  • Un climat de peur ou d’insécurité,
  • Une augmentation des arrêts maladie pour risques psychosociaux,
  • Une hausse des démissions non planifiées,
  • Des plaintes ou alertes syndicales.

Ces éléments, cumulés, permettent d’identifier une situation de harcèlement moral institutionnel. L’article L4121-1 du Code du travail impose aux employeurs une obligation de prévention pour garantir la sécurité et la santé des travailleurs.

Harcèlement moral institutionnel : Comment la jurisprudence a-t-elle élargi la notion de harcèlement moral ?

La jurisprudence française a notablement élargi la notion de harcèlement moral en reconnaissant le harcèlement moral institutionnel. Cette évolution a été marquée par l’affaire France Télécom, où la Cour de cassation, dans un arrêt du 21 janvier 2025 (pourvoi n° 22-87.145), a confirmé les condamnations pour harcèlement moral institutionnel des anciens dirigeants de l’entreprise.

Cette décision historique établit que le harcèlement moral peut résulter de politiques d’entreprise délibérées visant à dégrader les conditions de travail de manière systémique, sans qu’il soit nécessaire de prouver des agissements individuels répétés envers une personne spécifique. La Cour a ainsi validé l’idée qu’une stratégie managériale globale, mise en œuvre en connaissance de cause, peut constituer un harcèlement moral institutionnel.

Comment l’affaire France Télécom a-t-elle influencé la reconnaissance du harcèlement moral institutionnel et la responsabilité des entreprises ?

L’affaire France Télécom a mis en lumière les conséquences dramatiques de telles politiques, avec une série de suicides de salariés entre 2008 et 2009. Les dirigeants avaient initié un plan de restructuration visant à supprimer 22 000 postes, créant un climat de travail anxiogène et délétère. La reconnaissance judiciaire de ces pratiques comme constitutives de harcèlement moral institutionnel souligne l’obligation légale des employeurs de préserver la santé mentale et physique de leurs employés, conformément à l’article L4121-1 du Code du travail.

Cette jurisprudence impose aux entreprises une vigilance accrue, les rendant responsables non seulement des actes individuels de harcèlement, mais aussi des politiques managériales ayant des répercussions négatives sur le bien-être collectif des employés.

Comment prévenir le harcèlement moral ?

Pour prévenir le harcèlement moral institutionnel, les entreprises doivent adopter une approche proactive et structurée en matière de gestion des risques psychosociaux. Les principales mesures incluent :

  1. Mettre en œuvre une politique claire de prévention : Rédiger et diffuser une charte éthique ou un règlement intérieur précisant les comportements prohibés et les sanctions en cas de dérapages, en conformité avec l’article L1321-1 du Code du travail.
  2. Former les managers et les dirigeants : Les sensibiliser aux risques liés au harcèlement moral institutionnel et les former à un management respectueux et inclusif.
  3. Instaurer un dispositif d’alerte : Prévoir une procédure interne pour signaler anonymement les pratiques abusives, en application de l’article L1152-4 du Code du travail.
  4. Organiser des audits réguliers : Réaliser des enquêtes sur les conditions de travail et les pratiques managériales pour détecter d’éventuelles situations à risque.
  5. Dialoguer avec les partenaires sociaux : Associer les représentants du personnel et les syndicats à l’élaboration et au suivi des mesures de prévention.
  6. Créer une cellule de soutien aux salariés : Mettre en place un service dédié pour accompagner les victimes, en les orientant vers des experts ou des avocats spécialisés.

Ces actions permettent non seulement de protéger les salariés mais aussi de limiter la responsabilité pénale et civile de l’entreprise, conformément aux articles L4121-1 et suivants du Code du travail, relatifs à l’obligation de sécurité de l’employeur.

Harcèlement moral institutionnel : faire appel à un avocat

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