Mise à pied conservatoire : quelles durée et conséquences pour le salarié ? 

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Mise à pied conservatoire : quelles durée et conséquences pour le salarié ? 

Mise à pied conservatoire : quelles durée et conséquences pour le salarié ? 

La mise à pied conservatoire n’est pas sans conséquences pour le salariés. Elle vise à écarter le salarié de l’entreprise en attendant une décision définitive dans le cadre de la procédure de licenciement qui suit immédiatement un comportement jugé indésirable et grave pour l’entreprise. Corrélativement, la rémunération du salarié est suspendue jusqu’à la décision de licenciement.

Mise à pied conservatoire : quelle différence avec la mise à pied disciplinaire  ? 

Contrairement à la mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. C’est une mesure de précaution qui doit permettre à l’entreprise de se protéger d’un salarié que l’entreprise juge « indésirable » en raison d’un comportement jugé suffisamment grave.  

Suivant l’article  L. 1332-3 du Code du travail : « Lorsque les faits reprochés au salarié rendent indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive

relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l’article L. 1332-2 ait été respectée ».

Pour le dire autrement, la mise à pied conservatoire s’accompagne systématiquement d’une procédure de licenciement pour faute là où la mise à pied disciplinaire sanctionne le salarié pour quelques jours. 

Quelle est la durée maximale d’une mise à pied conservatoire ?

La mise à pied conservatoire doit avoir une durée raisonnable au regard de la procédure de licenciement. 

Si l’employeur n’engage pas immédiatement la procédure de licenciement, la mise à pied sera qualifiée de disciplinaire et le licenciement qui s’en suit sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse. 

Les délais ont été fixés par la jurisprudence. En effet, si l’employeur a notifié au salarié sa mise a pied conservatoire il doit adresser dans un délai de 3 jours maximum la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement pour cause disciplinaire (Cass soc. 26 mai 2010, n°08-45.286). Un délai de 4 jours, sans justification, a en revanche été jugé excessif (Cass. soc., 30 octobre 2013, n° 12-22.962

Ensuite, un délai minimum de 5 jours ouvrables doit être respecté entre la présentation ou la remise en main propre contre décharge de la lettre de convocation à l’entretien préalable. Le licenciement est ensuite notifié au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) au moins 2 jours ouvrables après la date de l’entretien préalable. Le délai d’envoi de la lettre de licenciement pour faute est fixé à 1 mois maximum après la date de l’entretien préalable. 

En définitive, la durée maximale d’une mise à pied conservatoire ne peut pas dépasser la somme de ces différents délais. Selon la jurisprudence, la mise à pied conservatoire d’une durée de 2 mois étant excessive, elle devient une sanction et le licenciement qui a suivi devient abusif, car il s’analyse comme une seconde sanction (Cass. Soc, 19 septembre 2007, n°06-40.155). 

Quel motif pour une mise à pied conservatoire ? Exemples de mise à pied conservatoire justifiée

La faute imputée au salarié doit être suffisamment grave pour justifier son éloignement de l’entreprise, comme par exemple :  

  1. Le manquement à l’obligation de sécurité : par exemple le fait pour un chauffeur routier de conduire en état d’ivresse, Violences au sein de l’entreprise… 
  2. Le harcèlement sexuel avéré : selon la Cour de cassation (arrêt de la Chambre sociale du 5 mars 2002), les faits de harcèlement sexuel commis par un salarié supérieur hiérarchique de la victime sont nécessairement constitutifs d’une faute grave (Cass. Soc. 5 mars 2002, 00-40.717).
  3. La répétition de faits fautifs, malgré une première sanction de l’employeur.

Quand est-ce que la mise à pied conservatoire n’est pas justifiée ? Exemples de mise à pied conservatoire injustifiée

Dans certains cas, le comportement du salarié n’est pas jugé fautif, la mise à pied conservatoire n’est donc pas justifié, le salarié aura donc droit au paiement des jours de mise à pied :

  1. Le fait de donner l’alerte à la justice : Porter à la connaissance des autorités compétentes « des agissements (…) qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, ne constitue pas une faute » ; (Cass. Soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557).
  2. En raison de l’exercice normal du droit de grève (c. trav. art. L. 1132-2) ; 
  3. En raison de la dénonciation par le salarié d’une situation de harcèlement ou pour avoir témoigné d’une telle situation (c. trav. L. 1152-2) 

Comment le salarié peut se défendre contre une mise à pied conservatoire et ses conséquences ?

Tout d’abord il faut savoir que la mise à pied conservatoire n’a pas à être motivée par conséquent le salarié devra attendre la tenue de l’entretien préalable pour connaitre les motifs invoqués par l’entreprise. Pour cette raison il est fortement recommandé de se faire assister lors de l’entretien soit par un représentant d’un syndicat représentatif sur le plan national et représenté au sein du personnel ou par un conseiller du salarié extérieur à l’entreprise (R1232-1) dont la liste est tenue à sa disposition auprès à la mairie et à l’inspection du travail (DRIEETS). Ce dernier pourra attester des éléments évoqués pendant l’entretien car en pratique il n’est pas rare que ceux-ci différent des éléments finalement retenus dans la lettre de licenciement. 

Par ailleurs, le salarié doit également attendre que l’employeur se manifeste, car si ce dernier tarde trop la procédure de licenciement (et la mise à pied) ne sera plus justifiable. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a par exemple jugé qu’un délai de 7 jours entre le prononcé de la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement était trop long, quand bien même ce délai ne comptait que « quatre jours travaillés » (Cass. Soc. 14 avril 2021, n° 20-12.920).

Enfin, si l’employeur ne licencie pas pour faute grave ou renonce à licencier, il devra payer le salaire correspondant à la mise à pied conservatoire. 

En cas de licenciement disciplinaire d’un salarié protégé, l’employeur peut-il procéder à sa mise à pied conservatoire immédiate ? 

En cas de faute grave d’un salarié protégé, l’employeur peut prononcer sa mise à pied dans l’attente de la décision de l’inspecteur du travail. La mise à pied conservatoire n’entraîne pas la suspension du mandat représentatif (Cass. Crim. 11 sept. 2007, n°06-82.410). L’employeur doit laisser le salarié entrer et circuler librement dans l’entreprise pour y exercer son mandat et le convoquer aux réunions de son institution. L’inspecteur du travail doit ensuite vérifier si les faits reprochés sont matériellement établis, sont fautifs et « si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi » (Conseil d’Etat, 5 mai 1976). Les effets de la mise à pied conservatoire seront supprimés en cas de refus d’autorisation de l’inspecteur du travail.

Quelles sont les conséquences financières de la mise à pied conservatoire en cas de licenciement pour faute grave ?

La mise à pied conservatoire n’est pas sans conséquence si l’employeur retient une faute grave à l’issue de la procédure de licenciement, le salarié n’obtiendra pas : ni l’indemnité compensatrice de préavis ;

ni l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise ; ni aucune rémunération pendant la période de mise à pied conservatoire. En revanche, le salarié licencié pour faute grave conserve le droit au paiement du solde des éléments variables de son salaire (prorata temporis) et le paiement du solde de ses congés payés.

Toutefois, si la procédure n’aboutit pas à un licenciement pour faute grave (même si le licenciement est prononcé pour cause réelle et sérieuse), la rémunération devra être rétablie pour la période considérée.

Enfin, lorsque l’employeur initie une procédure de licenciement, des conditions vexatoires peuvent surgir. Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l’emploi.

En cas de doute, n’hésitez pas à vous faire assister des conseils d’un avocat en droit du travail.

Avocat au barreau de Paris et Docteur en droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER, assiste ses clients afin de prendre toute la mesure de situations critiques et sensibles pour les salariés comme pour les entreprises. 

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