Liberté d’expression : 5 exemples de dénonciation calomnieuse

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Liberté d’expression : 5 exemples de dénonciation calomnieuse

5 exemples où la liberté d'expression dépasse ses limites, devenant une dénonciation calomnieuse et entraînant des sanctions légales.

La liberté d’expression est un fondement des démocraties modernes. Elle garantit à chacun le droit de s’exprimer librement, même sur des sujets sensibles. Cependant, ce droit n’est pas absolu : il connaît des limites dès lors que l’expression porte atteinte aux droits d’autrui, notamment à leur réputation. Une frontière cruciale existe entre la critique légitime et la dénonciation calomnieuse, qui est une infraction pénale. Cet article explore cette distinction à travers des exemples concrets et des décisions jurisprudentielles marquantes.

1. Qu’est-ce que la liberté d’expression ? Jusqu’ou peut-on aller ?

La liberté d’expression est protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), ainsi que par la Constitution française. Ce droit couvre :

  • La liberté d’opinion.
  • La liberté de recevoir et de communiquer des idées.

Exemple avec la jurisprudence européenne : des propos « qui heurtent, choquent ou inquiètent« 

  •  Décision Handyside c/ Royaume-Uni (CEDH, 1976) : Dans l’arrêt Handyside c/ Royaume-Uni , la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que la liberté d’expression inclut les propos « qui heurtent, choquent ou inquiètent ». Cette protection favorise le pluralisme et le débat démocratique. L’affaire concernait la publication d’un livre controversé pour enfants, jugé obscène par les autorités britanniques, mais la Cour a insisté sur le rôle essentiel de la liberté d’expression dans le débat public, même lorsque les idées exprimées suscitent des réactions vives.

Cependant, l’article 10 prévoit aussi des restrictions : les États peuvent limiter cette liberté si cela est nécessaire pour protéger l’ordre public, la réputation ou les droits d’autrui.

2. Dénonciation calomnieuse : quand la liberté d’expression devient-elle une infraction ?

En France, l’article 226-10 du Code pénal définit la dénonciation calomnieuse comme suit :

« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »

Quels sont les éléments constitutifs de la dénonciation calomnieuse ?

  1. Un fait dénoncé inexact : l’auteur sait que les faits qu’il impute sont faux.
  2. Une dénonciation contre une personne déterminée : la victime est clairement identifiée.
  3. Une intention de provoquer des sanctions injustifiées : l’objectif est de nuire en obtenant une sanction non méritée.

Exemples en droit français

  • Crim., 14 décembre 2016 (pourvoi n° 15-85.517) : Une dénonciation doit être adressée à une autorité compétente pour être qualifiée de calomnieuse. En l’espèce, une dénonciation effectuée auprès d’un organe non habilité n’a pas été retenue comme calomnieuse, faute de remplir cette condition. La décision souligne l’importance d’un cadre strict pour éviter l’usage abusif de l’infraction de dénonciation calomnieuse et protéger la liberté d’expression dans les contextes de signalement.
  • Crim., 17 mai 1994, Bull. n°184 : Les propos imputés doivent être suffisamment précis pour constituer une infraction potentielle. Le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être constitué, que le fait dénoncé soit de nature à exposer son auteur à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires. En l’absence de ces critères, l’infraction ne peut être retenue. Cet arrêt souligne l’importance de la précision et de la gravité des faits dénoncés pour engager la responsabilité pénale de l’auteur, afin de préserver un équilibre entre liberté d’expression et protection contre les accusations infondées.

3. Dénonciation calomnieuse et liberté d’expression : une balance délicate

Le droit à la liberté d’expression peut être invoqué comme moyen de défense, notamment en cas de critiques adressées à des professionnels ou des institutions publiques. La jurisprudence européenne, en particulier, exige une mise en balance entre la liberté d’expression et les droits des personnes visées.

Exemple avec la jurisprudence européenne : bonne foi ou débat d’intérêt général

  • CEDH, Sofranschi c. Moldavie (2010) : La CEDH a rappelé en 2010 que les signalements aux autorités faits de bonne foi bénéficient d’une protection renforcée en vertu de l’article 10 de la Convention. Elle a jugé que sanctionner un individu pour avoir alerté sur des comportements illégaux ou problématiques pourrait dissuader les lanceurs d’alerte et nuire à l’intérêt public. La Cour a souligné l’importance de protéger ceux qui participent à des débats d’intérêt général. Cet arrêt fixe des limites strictes aux sanctions contre les dénonciations justifiées, encourageant une transparence accrue.
  • CEDH, Tête c. France (2020) : La CEDH a jugé disproportionnée la condamnation pour dénonciation calomnieuse d’un militant écologiste, M. Tête. Ce dernier avait accusé un élu local de favoritisme dans l’attribution de marchés publics, soulevant des doutes sur des pratiques de gouvernance. Bien que les juridictions françaises aient retenu la calomnie, la Cour a estimé que ses propos relevaient d’un débat d’intérêt général. Elle a rappelé que l’usage de sanctions pénales dans ce contexte peut dissuader les citoyens de critiquer les autorités publiques. Cet arrêt met en avant l’importance de protéger la liberté d’expression dans le cadre de la transparence démocratique.

4. Dénonciation calomnieuse : quelles sont les sanctions ? Une peine proportionnée est-elle indispensable ?

La dénonciation calomnieuse, définie par l’article 226-10 du Code pénal, est une infraction grave qui peut entraîner des sanctions significatives, allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ces peines visent à dissuader les comportements qui portent atteinte à la réputation d’autrui en imputant des faits mensongers et préjudiciables, souvent destinés à causer un tort injustifié.

Cependant, l’application de ces sanctions doit respecter le principe fondamental de proportionnalité. Ce principe exige que les peines soient adaptées à la gravité des faits reprochés, tenant compte des circonstances de l’affaire et des conséquences pour les parties concernées.

Les juridictions doivent notamment s’assurer que la sanction ne constitue pas une ingérence excessive dans la liberté d’expression, droit protégé par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La jurisprudence insiste sur cette mise en balance. Par exemple, des sanctions trop sévères pour des propos tenus dans un contexte de débat public ou dans l’exercice d’un droit de critique pourraient être jugées disproportionnées.

Jurisprudence récente : « un débat d’intérêt général sur les droits des femmes »

  • CEDH, Bouton c. France (2022) : La CEDH, dans Bouton c. France (2022), a jugé disproportionnée la peine de prison avec sursis infligée à une militante féministe pour une action symbolique dans une église, considérant qu’elle violait l’article 10 de la Convention. La Cour a rappelé que les sanctions pénales ne sont acceptables qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Elle a souligné que l’action visait un débat d’intérêt général sur les droits des femmes et ne justifiait pas une telle sévérité. Cette décision renforce la protection de la liberté d’expression dans le cadre de protestations pacifiques. L’arrêt impose aux États de mieux équilibrer sanctions et liberté d’expression.

5. Critiquer sans preuve : attention aux accusations contre des experts judiciaires ou des autorités institutionnelle

Nouvel exemple ! L’arrêt de la Cour de cassation du 8 janvier 2025 (n°23-84.535) illustre les limites de la liberté d’expression lorsqu’elle porte atteinte à la réputation d’autrui. Un particulier avait accusé deux experts judiciaires de corruption et falsification dans des courriers adressés au président d’une institution. Ces accusations, non fondées, ont été qualifiées de dénonciation calomnieuse au sens de l’article 226-10 du Code pénal. Les juges ont prononcé une peine de quatre mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 8 000 euros, dont 4 000 euros avec sursis.

Cette sanction a été jugée proportionnée au regard de la gravité des accusations et de leur impact sur les experts judiciaires visés. La Cour a confirmé que le destinataire des courriers, ayant qualité pour saisir une autorité compétente, rendait applicable cette infraction. Elle a jugé que les propos graves, sans preuve et formulés sans nuance, excédaient les limites admissibles de la critique. L’arrêt réaffirme l’équilibre entre liberté d’expression et protection de la réputation, en soulignant que des accusations infondées peuvent justifier des sanctions pénales proportionnées.

Bilan : exercer sa liberté d’expression avec discernement

La liberté d’expression est un droit fondamental qui garantit à chacun la possibilité de participer aux débats publics et de dénoncer des faits répréhensibles. Cependant, ce droit n’est pas absolu et doit être exercé avec responsabilité, notamment lorsque des accusations touchent à l’honneur et à la réputation d’autrui. La dénonciation calomnieuse, encadrée par la loi et la jurisprudence, rappelle que la critique ne peut être un prétexte pour diffuser des accusations infondées.

L’équilibre entre ces deux principes – la liberté d’expression et la protection de la réputation – repose sur une analyse rigoureuse des faits et des preuves. Les juges, au niveau national et européen, veillent à préserver ce fragile équilibre, garantissant ainsi un cadre démocratique tout en protégeant les individus contre les abus. En cas de litige ou de doute, il est crucial de s’appuyer sur des conseils juridiques adaptés afin de défendre ses droits.

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