Prime d’objectifs : fixation, versement, contestation

Le droit du travail et du numérique

Prime d’objectifs : fixation, versement, contestation

Prime d’objectifs : fixation, versement, contestation

La rémunération d’un salarié peut inclure une part variable sous forme de prime d’objectifs, dont le versement dépend de la réalisation d’objectifs définis par l’employeur. Cette composante de la rémunération soulève plusieurs interrogations juridiques : comment ces objectifs doivent-ils être fixés, quelles sont les modalités de leur acquisition, et quelles limites s’imposent à l’employeur ? Les récents arrêts de la Cour de cassation éclairent ces questions essentielles en matière de droit du travail. Cet article explore les principales problématiques liées aux primes d’objectifs, notamment leur mise en place, leur proratisation, et les conditions de leur modification ou suspension.

Qu’est-ce qu’une prime d’objectif ? 

Une prime d’objectif est un complément de rémunération versé aux salariés en fonction de la réalisation d’objectifs prédéfinis. Elle constitue une partie variable de la rémunération et vise à récompenser la performance. La prime d’objectif est liée à des critères de performance individuelle, collective ou à des résultats spécifiques, qui doivent être définis et mesurables. Ces critères doivent être clairs, précis, réalisables et mesurables pour éviter toute contestation.

La prime sur objectif peut être décidée unilatéralement par l’employeur ou être décidée d’un commun accord par le salarié et l’employeur dans le contrat de travail :

  • Dans le premier cas, l’employeur reste libre de fixer les modalités chaque année, sous réserve qu’elles soient compatibles avec les règles issues de la jurisprudence.
  • Dans le second cas, elle devient une obligation contractuelle qui ne peut être modifiée sans l’accord des deux parties.

Comment mettre en place une prime d’objectif  ?

  1. Fixation des objectifs :
    • Les objectifs doivent être clairement établis, connus du salarié avant le début de la période concernée, et ne pas être modifiés unilatéralement en cours d’année.
    • Ils doivent être réalistes et atteignables, sous peine de litige.
    • Une fois les objectifs atteints, l’employeur est tenu de verser la prime.
    • En cas de non-définition des objectifs par l’employeur, la prime pourrait être due en intégralité (jurisprudence).
  2. Précautions à prendre :
    • Les critères de calcul doivent être simples et transparents.
    • Les primes ne doivent pas dépendre uniquement de conditions unilatérales ou vagues, ce qui pourrait les rendre contestables devant les juridictions.

Comment l’employeur doit-il fixer les objectifs des salariés ?

Pour fixer des primes d’objectif, l’employeur doit définir clairement et en temps utile les objectifs liés à cette rémunération variable. L’absence de fixation ou un retard dans leur communication peut entraîner des obligations importantes pour l’employeur.

  1. Absence de définition des objectifs :
    • Paiement intégral de la prime : Selon la Cour de cassation (arrêt du 7 juin 2023, n° 21-23.232), si les objectifs ne sont pas définis, l’employeur doit verser la prime dans son intégralité au salarié.
    • Pas de reconduction tacite des objectifs précédents : Les objectifs des années précédentes ne peuvent pas être reconduits automatiquement si l’employeur omet de fixer de nouveaux objectifs.
  2. Pouvoir de direction et délais :
    • Fixation unilatérale des objectifs : L’employeur a le droit de fixer les objectifs, mais il doit exercer ce pouvoir de manière explicite et dans les délais prévus contractuellement.
    • Retard dans la communication des objectifs : Un retard (par exemple, Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 19-17.246) peut également obliger l’employeur à payer l’intégralité de la prime d’objectif.

Pour éviter tout litige, il est essentiel que les objectifs soient précis, mesurables et communiqués en temps voulu.

Une prime d’objectif est-elle due à un salarié qui quitte l’entreprise en cours d’année ?

Oui, en l’absence de stipulation contraire dans le contrat de travail, une prime d’objectif liée à l’activité du salarié est due au prorata de son temps de présence dans l’entreprise, même en cas de départ en cours d’année, selon la Cour de cassation (Cass. Soc., 26 juin 2024, n°23-10.634). Dans cette affaire, un salarié parti le 31 juillet 2021 revendiquait sa prime au titre de l’année 2021. La Cour de cassation a jugé que, bien que son contrat n’incluait pas explicitement cette proratisation, la prime devait être versée proportionnellement à son temps de présence.

Cependant, une clause contractuelle peut prévoir d’autres modalités, comme subordonner l’acquisition de la prime à la présence du salarié à une date précise (par exemple, au 31 décembre). 

Une prime sur objectifs peut-elle être conditionnée à la présence du salarié après la période de travail à laquelle elle se rapporte ?

Non, une prime sur objectifs ne peut être conditionnée à la présence du salarié après la période de travail à laquelle elle se rapporte. Si une prime portant sur une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, elle ne peut l’être à une condition de présence postérieure à la période concernée. Selon la Cour de cassation (Cass. Soc., 29 septembre 2021, n°13-25.549), toute condition de présence doit être limitée à la période concernée par la prime. Une condition postérieure serait considérée comme invalide.

Dans cette affaire, une salariée, licenciée le 19 octobre 2010, réclamait des primes commerciales sur objectifs non versées. Son employeur refusait, invoquant une clause du contrat de travail qui exigeait sa présence au 31 décembre pour prétendre au paiement de ces primes. La Cour de cassation a rejeté l’argument de l’entreprise, affirmant que la clause était invalide. La période travaillée ayant été achevée et les objectifs réalisés, le droit à rémunération était d’ores et déjà acquis.

L’employeur doit-il prouver que les objectifs fixés pour la rémunération variable d’un salarié sont réalisables ?

Oui, il incombe à l’employeur de démontrer que les objectifs assignés au salarié sont réalistes et réalisables. Selon un arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 15 décembre 2021, n° 19-20.978), si l’employeur ne peut établir ce caractère réalisable, il peut être condamné à verser la rémunération variable prévue.

Dans cette affaire le salarié n’avait perçu aucune rémunération variable pendant plusieurs années en raison d’objectifs jugés irréalistes. Les juridictions ont constaté que l’employeur n’avait apporté aucune preuve du caractère réalisable des objectifs fixés, condamnant ce dernier à un rappel de salaire. La Cour de cassation a confirmé que l’employeur, qui prétend s’être libéré de son obligation, doit prouver que les objectifs étaient atteignables. En l’absence de cette preuve, la rémunération variable reste due au salarié.

Une prime discrétionnaire peut-il être requalifié en prime contractuelle ?

Oui, les juges peuvent requalifier un bonus ou une prime initialement présenté comme discrétionnaire en bonus contractuel, si les éléments analysés démontrent qu’il dépend de critères objectifs.

Dans une affaire récente (Cour d’appel de Versailles, 3 novembre 2021), un salarié contestait l’absence de versement de son bonus, que l’employeur qualifiait de discrétionnaire. Les juges ont constaté que, bien que le contrat mentionnait un bonus discrétionnaire, des documents ultérieurs (courriers, objectifs financiers et non financiers) établissaient que ce bonus était lié à la performance du salarié et aux résultats de l’entreprise. Ils ont conclu que, malgré la mention contractuelle de discrétionnarité, le bonus reposait sur des objectifs mesurables, le rendant contractuellement obligatoire en fonction des résultats atteints.

L’employeur peut-il modifier unilatéralement les objectifs d’un salarié en cours d’année ?

Non, l’employeur ne peut pas modifier unilatéralement les objectifs d’un salarié en cours d’année sans son accord explicite. Si les nouveaux objectifs ne sont pas acceptés ou sont imprécis, la prime d’objectifs peut être due sur la base des objectifs initiaux.

Dans une jurisprudence récente (Cour d’Appel de Paris  27 mai 2021 RG n°18/04582), un employeur avait modifié les objectifs d’un Directeur de Développement Institutionnel trois mois après leur acceptation par le salarié. Les juges ont estimé que cette modification unilatérale et l’imprécision des nouveaux critères ne permettaient pas au salarié d’atteindre ces objectifs. Par conséquent, la société a été condamnée au paiement de la prime d’objectifs initialement convenue.

L’employeur peut-il suspendre une prime d’objectifs en raison d’une crise économique ou sanitaire ?

Non, l’employeur ne peut pas suspendre une prime d’objectifs due au salarié en invoquant une crise économique ou sanitaire, sauf accord exprès du salarié.

La Cour de cassation (Cass. soc. 30 mai 2000, pourvoi n° 97-45068) a jugé nulle une clause permettant à l’employeur d’adapter unilatéralement la rémunération variable en fonction de l’évolution du marché ou des produits. De plus, aucune disposition légale ne prévoit la possibilité de suspendre cette obligation en période de crise.

Ainsi, dès lors que les objectifs ont été atteints, la prime correspondante doit être versée. Une modification du système de rémunération variable nécessite obligatoirement l’accord préalable du salarié. En cas de suppression unilatérale et injustifiée, le salarié peut saisir le Conseil des Prud’hommes pour faire valoir ses droits.

Une crise économique ou sanitaire oblige-t-elle l’employeur à redéfinir les objectifs des salariés ?

Non, la crise n’oblige pas légalement l’employeur à redéfinir les objectifs, mais l’obligation de loyauté peut le conduire à le faire lorsque les objectifs deviennent irréalisables en raison de circonstances exceptionnelles et imprévisibles, comme une crise sanitaire ou économique.

Selon la Cour de cassation (Cass. soc. 2 décembre 2003, pourvoi n° 01-44.192), si les objectifs définis étaient réalistes et que l’employé disposait des moyens nécessaires pour les atteindre, l’employeur n’est pas tenu de les modifier. Cependant, lorsque la réalisation des objectifs devient impossible du fait de la crise, et non d’une insuffisance du salarié, l’employeur, en vertu de son obligation de loyauté, devrait engager une discussion avec le salarié pour redéfinir des objectifs adaptés.

Prime d’objectif : conseils aux employeurs et aux salariés

Les primes d’objectifs, bien qu’utiles pour motiver les salariés et récompenser leur performance, nécessitent une gestion rigoureuse et conforme aux principes juridiques. L’employeur doit respecter les règles relatives à leur fixation, proratisation, et versement, en tenant compte des limites imposées par la jurisprudence. À défaut, des litiges peuvent survenir, notamment en cas de clauses imprécises ou de modifications unilatérales.

Les employeurs doivent veiller à rédiger des clauses claires et précises dans les contrats ou accords, tout en variant les conditions d’attribution des primes afin d’éviter qu’elles ne deviennent des usages ou des avantages acquis. De leur côté, les salariés ont intérêt à exiger un écrit formalisant les objectifs et les critères de la prime, et à contester rapidement toute situation perçue comme injuste, afin de défendre efficacement leurs droits.

Pour prévenir ces risques, il est essentiel d’anticiper les éventualités et de formaliser précisément les modalités d’acquisition des primes dans les contrats de travail.

Vous êtes salarié et contestez le versement de votre prime d’objectifs ? Vous pouvez obtenir une analyse détaillée de votre contrat et défendre vos droits. Contactez Maître Yann-Maël Larher dès maintenant pour une consultation personnalisée.

Employeurs, souhaitez-vous sécuriser vos clauses de rémunération variable ?YML avocat vous accompagne dans la rédaction ou la révision de vos contrats pour éviter les litiges.

Contactez dès aujourd’hui le cabinet pour protéger vos droits ou sécuriser vos pratiques contractuelles.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *