
Vous êtes confronté à un document que vous soupçonnez d’être un faux, susceptible d’influencer l’issue d’un litige à venir ? Vous ne savez pas comment réagir, surtout si l’audience a déjà eu lieu ? Pas de panique, le droit vous offre un outil sur mesure : le référé probatoire sous procédure non contradictoire.
Les réponses à vos questions
Comment contester une preuve ou pièce adverse qui est un faux ?
Qu’est-ce qu’un faux et usage de faux ? Quel est son cadre juridique ?
L’article 441-1 du Code pénal définie le faux comme “toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques”.
Produire une fausse preuve devant le conseil de prud’hommes (fausse attestation, document falsifié, etc.) expose à la fois à la nullité de la preuve et à des poursuites pénales.
Le juge prud’homal apprécie souverainement la valeur des pièces qui lui sont soumises, mais toute fausse attestation peut entraîner des conséquences graves pour son auteur et, le cas échéant, pour la personne morale représentée si les conditions de l’article 121-2 du Code pénal sont remplies.
Le faux et son usage sont punis de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Mais quelle est la différence entre un faux et l’usage d’un faux ? Le « faux » est l’altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice. tandis que l’usage de faux consiste à se servir en connaissance de cause d’un document falsifié comme s’il était authentique.
À titre d’exemple:
- En matière commerciale, la production, l’enregistrement dans la comptabilité et le paiement de factures correspondant à des prestations fictives qui n’ont jamais été exécutées constitue un faux et un usage de faux (Cass. crim., 20 janvier 2021, n°19-84.982)
- En matière pénal un faux procès verbal constitue un faux procès – verbal (Cass. crim., 11 décembre 2013, n°12-87.706)
- En matière prud’homale constitue un faux une attestant produit par une société relatant qu’un salarié avait pris « la très mauvaise décision de faire un avoir » au profit d’un client dans des conditions irrégulières (Cass. crim. 2 décembre 1997, n° 6362.), et que si l’attestation ne respecte pas les conditions de forme et de fond de l’article 202 du code de procédure civile, le juge décide en fonction des éléments s’il s’agit d’un faux ou non (Cass. soc. 3-10-2001 n° 99-43.472).
Qu’est-ce qu’un faux témoignage ?
Le faux témoignage est défini par l’article 434-13 du code pénal, qui s’applique à toute juridiction, y compris devant le conseil de prud’hommes. Le délit consiste à altérer volontairement la vérité dans une déposition faite sous serment et portant sur des faits matériels essentiels au litige.
Le faux témoignage simple est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende, conformément à l’article 434-13 du code pénal.
Mais des circonstances aggravantes existent. L’article 434-14 du Code pénal dispose que la peine peut être portée à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende si le témoignage mensonger a été provoqué par la remise d’un don, d’une récompense quelconque, ou lorsque la personne contre laquelle ou en faveur de laquelle le faux témoignage a été commis est passible d’une peine criminelle.
En principe, le témoignage d’un salarié devant les prud’hommes est protégé par la liberté fondamentale de témoigner, essentielle à la manifestation de la vérité impliquant que le fait de témoigner en justice, même contre son propre employeur, ne saurait, sauf abus, constituer une faute ou une cause de licenciement (Soc. 23 nov. 1994, n°91-41.434, Bull. civ. V, n° 308).
Mais la seule limite à cette protection concerne la mauvaise foi du salarié. Le licenciement n’est justifié que si la mauvaise foi est prouvée, c’est-à-dire si le salarié avait connaissance de la fausseté de ses affirmations (Soc. 7 févr. 2012, n° 10-18.035).
La charge de la preuve de la mauvaise foi incombe à l’employeur et ne peut résulter de la seule absence de preuve des faits dénoncés. Il appartient au juge d’apprécier si le témoignage est mensonger et si le salarié était de mauvaise foi (Soc. 16 sept. 2020, n o 18-26.696, RJS 11/20, 521).
Enfin, la victime d’un faux témoignage peut obtenir réparation du préjudice subi, tant contre l’auteur du faux témoignage que, dans certains cas, contre l’État. Le lien de causalité entre le faux témoignage et le préjudice (par exemple une condamnation injustifiée) est pris en compte.
L’attestation produite dans le cadre d’un litige devant les prud’hommes doit respecter l’article 202 du code de procédure civile, c’est-à-dire mentionner
- l’identité complète de l’auteur,
- ses liens éventuels avec les parties,
- être datée, signée
- et accompagnée d’un document officiel justifiant de son identité.
- Elle doit aussi préciser que son auteur a connaissance qu’un faux témoignage l’expose à des sanctions pénales.
Comment prouver un faux ou un faux témoignage ?
Si vous avez un doute quant à l’authenticité de la pièce produite par la partie adverse avant ou pendant l’audience, le référé probatoire est un outil procédural permettant de prouver le faux.
L’article 145 du code de procédure civil dispose que “S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.”.
Autrement dit, toute personne envisageant une action en justice peut solliciter le juge pour faire ordonner des mesures destinées à préserver ou établir une preuve cruciale d’un faux.
Mais comment la procédure se déroule-t-elle ? Concrètement, le requérant peut demander la désignation d’un commissaire de justice, éventuellement assisté d’un expert informatique ou de la force publique, pour saisir ou copier des éléments dans un lieu déterminé privé ou public. Le requérant doit se rendre au tribunal judiciaire compétent pour rendre son projet de requête au juge des référés qui dispose d’un délai court pour rendre une ordonnance autorisant ou non le commissaire de justice à vérifier le caractère de la pièce.
Vérifier sans alerter : l’intérêt stratégique du référé probatoire pour contester un faux et un faux témoignage
Le référé probatoire est bien plus qu’un simple outil procédural : il devient, entre les mains du justiciable averti, un levier stratégique pour vérifier l’authenticité d’une pièce litigieuse soupçonnée de faux sans courir le risque qu’elle soit détruite ou altérée par la partie adverse. Ce procédé peut être utilisé autant pour un faux que pour un faux témoignage.
Lorsqu’un document, un élément numérique ou un témoignage est produit en justice et que pèsent sur lui de sérieux soupçons de falsification, le requérant peut recourir à cette procédure pour en authentifier le contenu, dans un cadre juridiquement sécurisé, sans avertir son adversaire.On parle alors de procédure non contradictoire ou ex parte. Cette particularité constitue tout l’intérêt de cet outil pour vérifier si le document présenté constituait un faux.
Cette démarche, souvent utilisée pour préserver des preuves fragiles, permet au requérant de :
- Vérifier la véracité d’un document avant toute action judiciaire,
- Éviter la disparition d’un élément clé du dossier,
- Et surtout, obtenir une arme de négociation redoutable, en mettant la pression sur l’adversaire dès lors que le faux est mis en lumière.
Le référé probatoire agit ainsi comme un garant de la loyauté du débat judiciaire, en assurant que la solution du litige repose sur des éléments authentiques, et non sur des faux.
Quelles sont les conditions pour bénéficier d’une procédure non contradictoire?
Pour rappel, le contradictoire est un principe fondamental du procès équitable, consacré par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme : chaque partie doit pouvoir prendre connaissance et discuter les éléments sur lesquels elle sera jugée.
Une procédure en dehors de ce principe n’est possible que de manière encadrée et exceptionnelle.
L’effet de surprise est insuffisant. En effet, il faut motiver cette exigence au regard des circonstances (Cass. Civ 2ème, 19 novembre 2022, n°19-12.086).
Pour que le juge puisse ordonner le référé probatoire “ex parte” (non contradictoire), il faut remplir trois conditions cumulatives :
- Tout d’abord, une ordonnance sur requête doit concerner des éléments de preuves susceptibles d’être facilement détruits ou altérés notamment si ces éléments sont dans les mains d’un tiers (par exemple des fichiers informatiques).
- Par ailleurs, le juge doit prendre en compte le contexte qui doit faire redouter la disparition des preuves : cette crainte est indispensable (Cass. Com, 6 novembre 2019, n°18-15.363). Un faux est par exemple une pièce susceptible d’être détruite car la partie adverse a aucun intérêt à ce qu’il soit révélé.
- Enfin, la mesure doit être utile : le juge intervient seulement lorsque le requérant ne peut pas se procurer lui-même les éléments de preuve du faux (Cass. Com., 18 février 1986, n°84-10.620). C’est notamment le cas lorsqu’ils se trouvent dans une entreprise ou un lien privé.
Référé probatoire : quels avantages et quels inconvénients ?
Quels sont les avantages du référé probatoire ?
Avant d’engager une procédure judiciaire, il est parfois crucial de sécuriser une preuve susceptible de disparaître. Le référé probatoire, notamment lorsqu’il est mené sans contradictoire, répond à cet enjeu.
- Etre rapide comme toute procédure de référé, il permet une réponse judiciaire en urgence, généralement dans des délais très courts.
- Prévenir des risques de fraude ou de destruction des preuves : la non-contradiction protège contre des manœuvres dilatoires ou dissimulatrices de la partie adverse.
- Permet au juge d’ordonner différentes mesures (constats, expertises, communication forcée…) et au requérant de demander cette procédure pour de nombreux sujets
Quels sont les inconvénients à connaître ?
Malgré ses bénéfices, le référé probatoire – surtout lorsqu’il est engagé sans contradictoire – comporte des risques procéduraux.
- Risque d’atteinte aux droits de la défense : la procédure non contradictoire, bien que justifiée, constitue une entorse au principe fondamental du contradictoire
- Contrôle strict par le juge : l’autorisation d’une mesure non contradictoire est rarement accordée à la légère. Le juge exige un motif légitime et concret démontrant le risque de dépérissement de la preuve.
- Caractère exceptionnel de la requête : cette procédure ne saurait devenir un instrument de fishing expedition. Le requérant doit cibler des faits précis.
- Possibilité de contestation a posteriori : la partie adverse, une fois informée de la mesure, pourra contester sa régularité et faire annuler les actes obtenus s’ils ont été réalisés dans des conditions abusives.
Ce qu’il faut retenir
Le référé probatoire, surtout lorsqu’il est mené sans contradictoire, constitue un outil stratégique puissant en cas de suspicion de faux (document et témoignage). Il offre au requérant une arme procédurale efficace pour sécuriser une preuve avant qu’elle ne disparaisse.
Mais comme tout mécanisme d’exception, il exige prudence, rigueur et justification solide. Bien préparée et bien motivée, cette action peut faire toute la différence dans un contentieux à forts enjeux.
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