Droits d’auteur sur les logiciels : quels droits pour les salariés et leurs employeurs ?
La création de logiciels en entreprise soulève des questions cruciales concernant les droits d’auteur. Si le salarié est l’auteur de l’œuvre, c’est souvent l’employeur qui détient les droits patrimoniaux. Alors, quels sont précisément les droits du salarié sur ses créations, et dans quelles conditions l’employeur peut-il en revendiquer la propriété ? Cet article explore les règles spécifiques applicables aux logiciels, afin de mieux comprendre la répartition des droits entre l’auteur-salarié et l’employeur.
Ce qu’il faut savoir
1. Droits d’auteurs du salarié : l’exception du logiciel
Les logiciels occupent une place particulière dans le droit d’auteur, notamment pour les œuvres créées en entreprise.
Contrairement aux autres œuvres de l’esprit, le Code de la Propriété Intellectuelle (article L. 113-9) prévoit une exception en faveur de l’employeur :
« Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leur fonction ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer. »
Cette disposition, introduite par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, inverse donc le rapport classique entre un auteur et celui qui exploite son œuvre. En d’autres termes, pour les logiciels créés par un salarié dans le cadre de son travail, c’est l’employeur qui devient le titulaire des droits patrimoniaux, lui permettant d’exploiter, commercialiser et modifier le logiciel.
Rémunération supplémentaire : absence d’obligation pour les salariés
L’employeur n’est pas tenu de verser une indemnité ou une rémunération supplémentaire au salarié pour les logiciels qu’il a créés dans le cadre de son contrat de travail, sauf disposition contraire dans le contrat. Le salarié perçoit son salaire habituel, sans avoir droit à des royalties ou à une rétribution supplémentaire liée à l’exploitation du logiciel.
Droits patrimoniaux : la question des stagiaires
L’article L.113-9-1 du code la propriété intellectuelle a étendu la dévolution automatique des droits aux logiciels développés par un stagiaire. Bien que cette dévolution puisse sembler désavantageuse pour les stagiaire, il est crucial pour eux de s’assurer qu’ils comprennent bien les implications de cette cession. Des contrats de stage bien rédigés peuvent inclure des clauses spécifiques concernant la reconnaissance de l’auteur et éventuellement une rémunération additionnelle liée à l’exploitation des logiciels développés.
Droits patrimoniaux : exception pour les freelances
En revanche, si le logiciel est développé par un travailleur indépendant ou un prestataire extérieur, le régime applicable est différent. En vertu de l’article L. 111-1, alinéa 3, le développeur freelance conserve ses droits patrimoniaux, sauf disposition contractuelle contraire. Il peut ainsi prétendre à une rémunération distincte pour l’exploitation de son œuvre, qui s’ajoute à sa rémunération initiale.
2. Limites à la titularité des droits de l’employeur
Logiciels : les éléments qui échappent à la cession automatique des droits
La cession automatique des droits patrimoniaux sur les logiciels au profit de l’employeur s’applique uniquement aux composants logiciels :
- Programme (code source, code objet)
- Interfaces purement fonctionnelles
- Documentation
Cependant, toutes les composantes d’un logiciel ne sont pas nécessairement couvertes par cette cession.
Par exemple, dans le cadre d’un jeu vidéo, la partie logicielle n’est qu’une des nombreuses composantes de l’œuvre. Les éléments audiovisuels, comme la musique, les dialogues, le titre, les graphismes ou les interfaces interactives, sont soumis à d’autres régimes juridiques et peuvent donc être protégés indépendamment du logiciel lui-même. Dans ce cas, des contrats distincts peuvent être nécessaires pour chaque partie.
Œuvre collective
L’employeur peut aussi utiliser la notion d’œuvre collective pour mieux protéger ses droits sur un logiciel complexe qui pourrait inclure des contributions de plusieurs salariés ou collaborateurs extérieurs. Cette classification permet à l’employeur de revendiquer la titularité des droits sur l’ensemble de l’œuvre.
3. Limites au droit moral de l’auteur d’un logiciel
Bien que le salarié conserve une part limitée de droits moraux sur le logiciel qu’il crée, ces droits sont considérablement restreints. En général, l’auteur d’une œuvre bénéficie de droits tels que le droit de retrait, de repentir, de divulgation, et de respect de l’œuvre. Cependant, dans le cas des logiciels, les limitations sont fixées par l’article L. 121-7 du Code de la Propriété Intellectuelle :
- Le droit de retrait ou de repentir est supprimé pour l’auteur d’un logiciel. Cela signifie qu’il ne peut pas s’opposer à ce que l’employeur modifie le logiciel ou continue à l’exploiter, même si l’auteur change d’avis.
- Le droit au respect de l’œuvre est aussi limité. L’auteur ne peut pas s’opposer à des modifications techniques ou fonctionnelles du logiciel, sauf si celles-ci sont préjudiciables à son honneur ou à sa réputation. Par exemple, si des modifications nuisent à la qualité du produit ou sont contraires aux valeurs de l’auteur, ce dernier pourrait, sous certaines conditions, invoquer une violation de son droit moral.
4. Salarié créateur de logiciel : les réponses à vos questions les plus fréquentes
Les questions récurrentes concernant les logiciels et les droits d’auteur pour les salariés portent souvent sur la titularité des droits et les spécificités légales qui encadrent la création de logiciels en entreprise.
Qui détient les droits d’auteur sur un logiciel créé par un salarié ?
Le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) précise que l’employeur détient les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par ses salariés dans le cadre de leurs fonctions. Les droits moraux, bien que diminués pour les logiciels, restent en partie au salarié.
Un salarié peut-il réclamer la titularité des droits d’auteur sur un logiciel qu’il a créé ?
Non, si le logiciel est créé dans le cadre des fonctions du salarié et selon les instructions de l’employeur, les droits patrimoniaux reviennent à l’employeur. Toutefois, le salarié conserve une part limitée de droits moraux (droit de paternité).
Le droit moral du salarié sur un logiciel est-il complet ?
Non, pour les logiciels, le droit moral est restreint. Le salarié ne peut pas s’opposer à des modifications ni retirer le logiciel de la circulation, mais peut exiger que son nom apparaisse en tant qu’auteur.
Cette règle s’applique-t-elle à tous les travailleurs (stagiaires, consultants, etc.) ?
Non, la règle ne s’applique qu’aux salariés. Les stagiaires, intérimaires, consultants ou prestataires extérieurs ne sont pas concernés et peuvent négocier leurs droits dans leurs contrats.
Quelles précautions contractuelles peuvent être prises pour encadrer la création de logiciels par les salariés ?
Il est conseillé de prévoir des clauses spécifiques dans les contrats de travail, ou dans des accords séparés, pour anticiper la titularité des droits et éviter les conflits.
Qu’en est-il des droits pécuniaires liés aux logiciels créés par un salarié ?
Ces droits patrimoniaux, cédés à l’employeur, permettent à ce dernier de commercialiser et exploiter le logiciel. Le salarié ne bénéficie en général d’aucune rémunération supplémentaire, sauf dispositions contractuelles spécifiques.
5. Droits d’auteur sur les logiciels : recommandations aux salariés et employeurs
En résumé, le cadre juridique français concernant la propriété intellectuelle des logiciels créés par des salariés est particulièrement favorable à l’employeur. Ce dernier devient titulaire des droits patrimoniaux sur les logiciels, sans obligation de rémunération supplémentaire. Le salarié conserve des droits moraux, mais ceux-ci sont limités. Quant aux travailleurs indépendants ou prestataires externes, ils conservent généralement leurs droits patrimoniaux, à moins qu’une clause contractuelle ne prévoit le contraire.
Il est donc essentiel, tant pour les employeurs que pour les salariés, de bien encadrer contractuellement la création de logiciels en entreprise afin d’éviter tout conflit ou incompréhension future.
En tant qu’avocat au barreau de Paris et expert en droit de la propriété intellectuelle et droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER est à votre disposition pour vous accompagner dans la gestion des droits d’auteur liés aux logiciels. Que vous soyez employeur ou salarié, son expertise vous permettra d’anticiper et de sécuriser vos créations ou vos contrats, afin d’éviter tout litige.
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