Clause de Bad Leaver : validité, risques et bonnes pratiques

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Clause de Bad Leaver : validité, risques et bonnes pratiques

Clause de Bad Leaver validité, risques et bonnes pratiques

La clause de « bad leaver », directement issue du droit des sociétés anglo-saxonnes, vise à encadrer le départ d’un associé salarié ou dirigeant en imposant la cession de ses titres à des conditions préalablement définies. Cependant, en droit français, son application n’est pas aussi évidente. Les décisions des cours d’appel et les arrêts de la Cour de cassation montrent que la mise en œuvre de cette clause doit respecter des principes fondamentaux du droit des sociétés et du droit du travail. L’un des points les plus sensibles est celui du rachat des actions à forte décote, qui peut être perçu comme une sanction déguisée ou une atteinte disproportionnée aux droits de l’associé sortant. Si la jurisprudence admet la validité de ces clauses sous certaines conditions, elle exige néanmoins un équilibre contractuel et un juste motif pour imposer une décote importante. Ainsi, les juges examinent avec attention la proportionnalité entre la sanction financière et l’intérêt légitime de la société.

1. Une entreprise peut-elle obliger un salarié actionnaire à vendre ses actions en cas de licenciement ?

Oui, une entreprise peut inclure dans un pacte d’actionnaires une clause stipulant que le salarié actionnaire doit céder ses actions en cas de licenciement. La Cour de cassation a validé ce type de clause, considérant qu’elle ne constitue pas une sanction pécuniaire prohibée, même si elle prévoit une décote du prix des actions en cas de licenciement. 

Exemple :

Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 7 juin 2016, une salariée avait reçu des actions de son employeur et avait signé un pacte d’actionnaires prévoyant qu’en cas de cessation de son contrat de travail, elle s’engageait à céder ses actions. Le prix de cession variait selon les circonstances du départ. En cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le prix était fixé à la moitié de la valeur déterminée par un expert. La salariée, licenciée sans cause réelle et sérieuse, a contesté cette clause, mais la Cour de cassation a validé sa validité, estimant qu’elle ne constituait pas une sanction pécuniaire prohibée. Cette décision confirme que la validité d’une clause de « bad leaver » repose sur son objectif (garantir la stabilité de l’actionnariat) et son application neutre, sans lien avec une faute du salarié.

2. Qu’est-ce qu’une clause de « bad leaver » dans un pacte d’actionnaires ?

Une clause de « bad leaver » prévoit qu’un associé, également salarié, doit céder ses actions en cas de cessation de son contrat de travail, souvent à un prix décoté. Ce type de clause vise à protéger l’entreprise en assurant que seuls les membres actifs restent actionnaires. 

Exemple :

Une clause de « bad leaver » peut stipuler que si un associé quitte l’entreprise pour des raisons considérées comme défavorables (par exemple, démission sans préavis ou licenciement pour faute grave), il doit vendre ses actions à un prix inférieur à leur valeur marchande. À l’inverse, une clause de « good leaver » prévoit que si l’associé quitte l’entreprise pour des raisons légitimes (retraite, maladie), il peut vendre ses actions à leur juste valeur. 

3. Une clause imposant la cession des actions d’un salarié licencié est-elle légale ?

Oui, la jurisprudence a validé la légalité de telles clauses, estimant qu’elles participent à l’équilibre général du contrat et ne constituent pas une sanction pécuniaire prohibée. Si la clause de « bad leaver » est largement utilisée dans le monde anglo-saxon, son application en France demeure toutefois soumise au contrôle strict des juges, qui veillent à ce qu’elle respecte les principes d’équilibre contractuel et de proportionnalité.

Exemple :

Dans l’affaire précitée du 7 juin 2016, la Cour de cassation a jugé que la clause obligeant la salariée à céder ses actions en cas de licenciement, avec une décote de 50 %, était licite. Les juges ont estimé que cette clause s’inscrivait dans un processus d’amélioration de la rémunération de la salariée et d’intéressement au développement de l’entreprise, en contrepartie de son activité. 

4. Quelles sont les conditions de validité d’une clause de cession forcée d’actions en cas de licenciement ?

Pour être valide, une telle clause doit être clairement stipulée dans le pacte d’actionnaires, prévoir les modalités de cession (notamment le mode de calcul du prix de cession) et ne pas constituer une sanction pécuniaire déguisée. 

Pour qu’une clause de « bad leaver » soit valide en droit français, elle doit répondre à plusieurs exigences :

  • Une rédaction précise et non équivoque, évitant toute ambiguïté sur ses conditions d’application.
  • Un mode de calcul du prix des actions objectif et encadré, idéalement avec l’intervention d’un expert indépendant.
  • Une justification légitime pour la décote appliquée, afin d’éviter qu’elle ne soit assimilée à une sanction déguisée.

Exemple :

Une clause pourrait préciser que, en cas de licenciement autre que pour faute grave ou lourde, le salarié s’engage à céder ses actions à un prix correspondant à 50 % de leur valeur déterminée par un expert indépendant. Cette stipulation doit être rédigée de manière claire et précise pour éviter toute ambiguïté.

5. Un salarié peut-il contester une clause l’obligeant à céder ses actions en cas de licenciement ?

Un salarié peut tenter de contester une telle clause en invoquant, par exemple, le caractère abusif de la décote appliquée ou en soutenant qu’elle constitue une sanction pécuniaire prohibée. Toutefois, la jurisprudence récente tend à valider ces clauses, à condition qu’elles soient équilibrées et justifiées par l’intérêt social. Il est essentiel que de telles clauses soient rédigées avec soin pour respecter les exigences légales et jurisprudentielles.

Exemple :

Dans l’affaire du 7 juin 2016, la salariée a contesté la clause en arguant qu’elle constituait une sanction pécuniaire prohibée. La Cour de cassation a rejeté cet argument, estimant que la clause ne visait pas à sanctionner un comportement fautif, mais s’appliquait à toutes les hypothèses de licenciement autres que disciplinaires. 

6. Le prix de cession des actions d’un salarié licencié peut-il faire l’objet d’un contentieux ?

Oui, le prix de cession peut être un point de contentieux entre l’employeur et le salarié actionnaire, notamment lorsque la clause prévoit une décote importante ou un mode de calcul contestable. En effet, selon l’article L.1331-2 du Code du travail, les sanctions pécuniaires sont interdites, toute clause contraire étant réputée nulle et non écrite.

Exemple de contentieux :
Dans l’affaire Cass. com., 7 juin 2016, n° 14-17.978, la salariée licenciée contestait l’application d’une décote de 50 % sur le prix de cession de ses actions, estimant que cette clause était abusive et constituait une sanction financière déguisée. La Cour de cassation a validé la clause en estimant qu’elle s’inscrivait dans un équilibre contractuel global.

Facteurs pouvant donner lieu à un litige sur le prix de cession :

  • Une décote jugée excessive par rapport à la valeur réelle des actions.
  • Une méthode de calcul ambiguë ou laissée à la seule appréciation de l’employeur.
  • Un désaccord sur l’évaluation des actions par l’expert désigné.
  • Un salarié estimant que son consentement à la clause a été vicié par son lien de subordination avec l’employeur.

Précautions à prendre :

  • Vérifier la clarté de la clause dans le pacte d’actionnaires.
  • S’assurer que le mode de calcul du prix est équitable et encadré par un expert indépendant.
  • En cas de litige, solliciter une expertise judiciaire pour réévaluer le prix des actions.

Le prix de cession des actions d’un salarié licencié est donc un sujet sensible, qui peut mener à des contentieux si la clause n’a pas été rédigée avec transparence et équité.

7. Clauses de Bad Leaver : comment sécuriser leur validité ? 

    Les récentes décisions jurisprudentielles soulignent l’importance de privilégier la qualité d’actionnaire plutôt que celle de manager dans les clauses de « bad leaver ». Pour éviter tout risque de sanction pécuniaire déguisée, il est recommandé de limiter ces clauses au strict minimum et d’éviter une logique punitive dans la fixation du prix de cession.

    Il est essentiel de renoncer aux décotes proportionnelles à la faute, sous peine d’invalidation pour sanction financière prohibée (art. L.1331-2 du Code du travail).

    Pour sécuriser juridiquement ces clauses, il convient de dissocier les fonctions du salarié et son statut d’actionnaire, en :

    • Élargissant les faits déclencheurs (non-respect du pacte d’actionnaires, violation des statuts, etc.).
    • Supprimant les critères liés à la faute, qui risquent d’être requalifiés en sanction pécuniaire.

    Enfin, une alternative efficace serait de remplacer la clause de « bad leaver » par une clause pénale, qui prévoirait une indemnisation financière en cas de manquement contractuel, sans imposer une cession forcée des actions à prix réduit. Cette approche garantirait une meilleure protection juridique tout en évitant les risques d’invalidation.

    8. Quelle est la différence entre l’exclusion d’un associé et le licenciement d’un salarié ?

    L’exclusion d’un associé et le licenciement d’un salarié obéissent à des logiques et des procédures différentes : 

    • L’exclusion d’un associé peut être prévue dans les statuts de la société ou par un pacte d’actionnaires. Elle implique que l’associé concerné cède ses parts à la société ou aux autres associés.
    • Le licenciement d’un salarié est encadré par une réglementation stricte en droit du travail et nécessite une cause réelle et sérieuse.

    Toutefois, il est essentiel de noter que :

    • L’exclusion de l’associé ne signifie pas automatiquement qu’il perd son contrat de travail.
    • Le licenciement du salarié ne lui retire pas son statut d’associé.
    • Une société ne peut pas se soustraire au paiement des salaires d’un associé salarié sous prétexte de son exclusion.
    • Un salarié licencié conserve le droit de percevoir des dividendes s’il détient toujours des actions dans la société.

    9. Pourquoi la clause de « bad leaver » est-elle utilisée pour gérer ces situations ?

    Pour éviter qu’un salarié licencié ou qu’un dirigeant révoqué ne conserve ses titres de participation dans l’entreprise, la pratique a instauré la clause de « bad leaver ». Son objectif principal est de forcer le rachat des titres détenus par le salarié ou le dirigeant en cas de départ contraint, empêchant ainsi un ancien employé de continuer à exercer une influence sur l’entreprise. En outre, ces clauses ont pour but de protéger les intérêts des associés restants et de l’entreprise elle-même en évitant les perturbations qui pourraient résulter d’un transfert inattendu de parts. En conséquence, le « bad leaver » est tenu de céder ses actions conformément aux modalités définies dans le pacte d’actionnaires, souvent à un prix inférieur à leur valeur réelle. Une décote significative peut être appliquée. 

    Afin de sécuriser juridiquement une clause de « bad leaver », il est recommandé de définir avec précision les conditions entraînant l’obligation de cession, de préciser le mode de calcul du prix des actions, idéalement avec l’intervention d’un expert indépendant, et de s’assurer que la décote appliquée reste raisonnable et proportionnée à l’intérêt de la société.  En définitive, cette clause constitue un outil stratégique permettant de préserver la stabilité de l’actionnariat et d’éviter qu’un ancien salarié ou dirigeant évincé ne conserve un droit de regard ou une influence décisionnelle au sein de l’entreprise.

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