Discrimination au travail : 25 critères reconnus devant la justice

Le droit du travail et du numérique

Discrimination au travail : 25 critères reconnus devant la justice

La discrimination au travail : 25 critères reconnus devant la justice

La discrimination consiste à porter atteinte aux intérêts d’une personne en se fondant sur un motif prohibé par la loi. Aujourd’hui, 25 critères de discrimination au travail sont reconnus par le législateur. En France, aucun salarié ne peut (ou plus exactement ne doit) subir de discrimination au travail, c’est aussi vrai pour tout ce qui a trait à l’embauche mais aussi à l’exécution du contrat de travail, à la rémunération, ou à toute situation en lien avec l’activité professionnelle. 

Quelle est la liste des discriminations reconnues par la justice ?

> Il existe 25 critères reconnus par la justice. En plus d’une peine civile avec des dommages et intérêts, l’auteur d’un fait de discrimination au travail encourt jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

> Les critères de discrimination au travail ont plusieurs sources, les conventions internationales et textes européens ainsi que les critères relevant de la seule législation française.

> Ils sont énumérés à l’article L. 1132–1 du Code du travail :

  • l’âge – par exemple licencier une personne en raison de son âge
  • le sexe – par exemple une rémunération inférieure aux femmes
  • l’origine – par exemple refuser une promotion à un salarié en raison de son origine
  • la grossesse – par exemple refuser un aménagement des horaires de travail
  • l’état de santé – par exemple licencier une personne en raison d’une maladie
  • le handicap – par exemple ne pas intégrer les personnes en situation de handicap physique.
  • les caractéristiques génétiques – par exemple demander aux salariés de se soumettre à des tests génétiques
  • l’orientation sexuelle – par exemple refuser une promotion à une personne car elle est homosexuelle
  • l’identité de genre – par exemple refuser de modifier l’identité sur les fiches de paye d’une femme transgenre
  • l’opinions politiques – par exemple licencier quelqu’un en raison de ses opinions politiques
  • les activités syndicales – par exemple licencier quelqu’un en raison de son appartenance à un syndicat
  • les opinions philosophiques – par exemple geler la carrière d’un salarié en raison de son appartenance à un syndicat
  • les croyances ou l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée – par exemple refuser un emploi à une personne en raison de sa non appartenance à une religion déterminée
  • l’appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race – par exemple refuser un emploi à une personne en raison de ses origines ethniques
  • la situation de famille – par exemple refuser un emploi à une mère isolée
  • l’apparence physique – par exemple refuser un emploi à une personne en surpoids
  • le nom – par exemple refuser un entretien d’embauche à une personne en raison d’un nom à consonance étrangère
  • les mœurs – par exemple refuser un emploi à un fumeur
  • le lieu de résidence – par exemple refuser un emploi à une personne qui n’habite pas la commune
  • la perte d’autonomie – par exemple un salarié en situation de handicap dont le poste n’est pas aménagé pour lui
  • une particulière vulnérabilité résultant de la situation économique – par exemple aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage en raison de sa situation de richesse ou de pauvreté
  • la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français – par exemple refuser un entretien à une personne indiquant parler le chinois
  • la domiciliation bancaire – par exemple refuser un emploi à une personne ultramarine en raison d’un compte bancaire domicilié hors de l’hexagone

Quels sont les nouveaux aspects de la loi sur la discrimination au travail adoptée le 28 mars 2024 et comment s’appliquent-ils aux cas de discrimination capillaire ?

Le 28 mars 2024, l’Assemblée nationale a voté une nouvelle loi inscrite à l’article 1134-1 du code de du travail visant à sanctionner la « discrimination capillaire » au travail. Ce nouveau texte interdit toute discrimination liée à la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux. Elle cible particulièrement les personnes afro-descendantes, souvent contraintes de changer de coiffure avant un entretien d’embauche, et d’autres groupes comme les personnes rousses ou les hommes chauves, victimes de préjugés négatifs.

Quelles sont les formes de discrimination au travail ?

> Au sens du droit du travail sont considérés comme des discriminations les éléments basés sur l’origine ; le sexe ; les mœurs ; les activités syndicales ; le nom de famille ; le handicap, l’âge ou encore l’orientation sexuelle, etc. 

> On oppose traditionnellement les discriminations directes aux discriminations indirectes.

  • Les premières résultent d’un comportement affirmé (ou revendiqué) de l’employeur. Les personnes sont ainsi traitées de manière moins favorable qu’une autre ne l’a été, ne l’est ou ne l’aurait été dans une situation comparable sur la base, toujours, d’un motif prohibé. Par exemple, le refuser d’embaucher un individu en raison de son appartenance à une minorité ethnique, constitue une discrimination directe fondée sur son origine ethnique, mais refuser un candidat en raison de son lieu d’habitation peut également aboutir au même résultat. La Cour de cassation a également pu condamné une société pour refus d’embauche discriminatoire car elle “ne justifiait pas que son choix d’un autre candidat avait été déterminé par la prise en compte du diplôme dont bénéficiait celui-ci ou de l’expérience professionnelle qu’il avait acquise” (Cass. Soc. 15 décembre 2011, n°10-15873). Constitue aussi une discrimination au travail directe, cette fois fondée sur l’état de santé, le fait de licencié un employé porteur du VIH. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le licenciement d’un salarié séropositif, avec pour principale motivation son état de santé du fait de son statut sérologique VIH avéré, était discriminatoire (CEDH, 3.10.13, req. n°552/10 aff. I.B. c. Grèce).
  • Les discriminations indirectes aboutissent au même résultat mais les actions de l’employeur ne sont pourtant pas aussi évidentes. En effet, celles-ci peuvent se dessiner à la suite de la mise en œuvre d’une disposition ou d’une pratique en apparence neutre mais qui entraîne, potentiellement, un désavantage pour certaines personnes. On parle alors de discrimination indirecte. Selon le Défenseur des droits, aujourd’hui, d’autres critères perçus comme habituels, ou plus automatiques, doivent ainsi être questionnés : ainsi, exiger d’être « issu d’une grande école » (où l’on trouve moins de femmes, de personnes issues de la diversité, de personnes en situation de handicap…) est susceptible de constituer une discrimination indirecte, alors que des connaissances comparables peuvent, selon les situations, être acquises par un diplôme universitaire ou l’expérience professionnelle. Il convient de préférence de définir le poste par rapport à un niveau de diplôme et une filière plutôt qu’une école ou une université prédéterminée.

Quand peut-on parler de discrimination dans un processus de recrutement ?

> Au-delà des critères interdits, les critères utilisés pour rechercher, trier, sélectionner les candidatures doivent être objectifs et justifiés par les tâches et missions qui seront confiées à la personne embauchée.

  • Parmi les éléments objectifs prouvant justifier une décision, il y a l’obtention d’un diplôme qui sera utile pour l’exercice des fonctions en vue desquelles le recrutement est effectué. On peut interpréter cet élément négativement et considérer qu’on écartera les personnes trop diplômées (notamment au regard des grilles de salaires basés généralement par accord collectif sur le niveau de diplôme). En effet, des salariés embauchés au même moment avec la même qualification professionnelle mais avec des diplômes différents (BAC +2 vs Bac +5) qui effectueraient un travail strictement identique, pourraient se voir appliquer une différence de rémunération.
  • Mais attention, cette exigence de niveau de formation ne doit pas apparaître à la fin du recrutement, pour justifier le choix du candidat, par exemple. L’employeur doit communiquer sur cet élément au moment du recrutement, dès la rédaction de l’offre d’emploi. Le niveau de diplôme ne doit pas servir d’excuse ni dans un sens ni dans un autre pour écarter un candidat. En l’occurence selon la Cour de cassation (15 décembre 2011, n° 10–15873), la détention d’un diplôme ou d’un niveau de formation doit constituer une justification objective et pertinente lors du choix du candidat lors d’un recrutement, utile à l’exercice des fonctions en vue desquelles le recrutement a été effectué).
  • Enfin, si les références aux notions de « confirmé », « trop senior » ou de profil « surdimensionné » pour écarter une candidature ne renvoient pas directement à l’âge mais peuvent cependant constituer un indice faisant présumer l’existence de pratiques discriminatoires liées à l’âge. Un employeur a ainsi pu être condamné à verser une indemnité de 1 800 euros à une personne qui n’avait pas été embauchée du fait de son âge (CPH Nice, 3 décembre 2008, 06/01644).

Des différences de traitement au travail peuvent-elles ne pas être discriminatoires ? 

> Le principe d’égalité de traitement consiste à traiter de manière similaire des personnes qui sont placées dans des situations comparables.

  • Des nuances sont néanmoins admises : les différenciations sont acceptables dès lors qu’elles sont fondées sur des critères objectifs, pertinents et matériellement vérifiables afin d’écarter tout risque de discrimination. 
  • Ainsi des différences de traitement sont admises au regard de l’âge (article L. 1133-2 du Code du travail), de l’état de santé ou du handicap (article L. 1133-3 du Code du travail), etc. 

Que faire face à une situation de discrimination dans son emploi ? 

> Lorsque vous estimez être discriminé ou vous considérez qu’une personne l’a été, vous pouvez signaler les faits aux représentants du personnel. 

  • S’il s’avère que les mesures prises par l’employeur ne sont pas constitutives d’une discrimination, vous ne vous exposez pas à des sanctions sauf si vous saviez que votre dénonciation n’était pas vraie. Autrement dit, un salarié ne peut pas être sanctionné dès lors qu’il agissait de bonne foi. 

Quelles sont les preuves que le salarié doit apporter pour démontrer l’existence d’une discrimination au travail ? 

  • Un aménagement de la charge de la preuve a été introduit par le législateur : les salariés doivent apporter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination et c’est à l’employeur d’apporter la preuve que sa décision est effectivement étrangère à toute discrimination. 

Que désigne l’action de groupe en matière de discrimination au travail ? 

> En matière de discrimination, l’action de groupe a été introduite par la loi du 18 novembre 2016. C’est une action qui permet à des personnes s’estimant victime d’un même préjudice de saisir de manière collective une juridiction.

  • Une telle action est possible dès lors qu’au moins deux personnes estiment avoir subi un même préjudice mais celles-ci doivent se rapprocher d’une association agréée ou d’un syndicat dont l’objet statutaire porte sur les intérêts défendus. L’action de groupe a pour ambition de mettre un terme au préjudice et de réparer les dommages qu’il a causés. 
  • Avant la saisine des juridictions, l’organisation syndicale représentative ou l’association demandera à l’employeur de faire cesser la discrimination collective qu’il pratique. Lorsqu’une telle demande lui est adressée, il est de son devoir d’en informer le CSE et les organisations syndicales reconnues représentatives dans l’entreprise. 

Quels sont les recours pour faire cesser une telle situation ? 

> Lorsqu’un salarié s’estime victime de discrimination au travail, deux actions sont possibles : une action civile devant le Conseil de prud’hommes ou une action pénale.

  • Le contentieux prud’homal a pour objectif d’obtenir l’annulation de la décision prise sur un motif prohibé et de demander la réparation du préjudice subi.
  • L’action en réparation du préjudice se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination. 

Avoir recours à un avocat en cas de discrimination au travail

Les décisions ne reflètent ainsi pas l’ampleur du phénomène et sont relativement rares d’abord en raison de la difficulté de démontrer une discrimination mais aussi car dénoncer ce type de discrimination n’est pas toujours dans l’intérêt des candidats à l’emploi qui cherchent d’abord à se faire employer. L’assistance d’un avocat est souvent cruciale.

Docteur en droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER , assiste les salariés victimes de discriminations ainsi que les employeurs afin de prendre toute la mesure de situations critiques et sensibles pour les salariés comme pour les entreprises. 

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2 Responses

  1. […] l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée en 2019, les discriminations liées à l’âge coûtent aux entreprises environ 6% de leur masse […]

  2. […] au regard des 25 critères de discrimination établis, certaines activités peuvent être discriminantes. Par exemple, la situation d’handicap peut […]

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