Cyber-harcèlement au travail : 5 exemples reconnus en justice
30% des salariés français déclarent avoir subi au moins un comportement hostile sur leur lieu de travail au cours des 12 derniers mois et 20% craignaient de perdre leur emploi selon une enquête de la Dares réalisée en 2016 et en 2019. Le harcèlement numérique participe grandement à ce constat. Il est très présent au sein de nombreuses sociétés, sans que les employeurs ne s’en rendent forcément compte. Avec la numérisation des espaces de travail, de nouvelles formes de cyber-harcèlement sont nées ces dernières années. La jurisprudence a eu l’occasion d’en pointer certaines.
Exemples de cyber-harcèlement moral constaté par la jurisprudence :
1. Les mails agressifs et brutaux adressés à une salariée
Des mails de la part d’un employeur dont le ton se révélerait être un peu trop élevé peut être considéré comme du harcèlement moral numérique selon la jurisprudence.
Dans une décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 23 juin 2021 (n° 18/13718), une salariée était en travail à temps plein, ce qui lui laissait la possibilité d’habiter dans une ville loin de son entreprise. L’employeur l’a d’abord informé de l’arrêt de son télétravail. Puis, après cette nouvelle, plusieurs mails agressifs et brutaux ont été adressés à la salariée.
Un exemple de mail considéré comme brutal et agressif :
“Je ne valide pas ta stratégie sur août de reconduire ce mode de fonctionnement. Je te demande d’arrêter immédiatement toutes ces campagnes….je souhaite connaître ton budget d’investissement prévisionnel sur août. …. merci de me renvoyer également le détail de chaque campagne… la communication à distance pour Cabesto est une solution par défaut, et il est hors de question de ne communiquer que par mail, merci à l’avenir de respecter tes engagements (tu devais me communiquer ces informations pour hier soir) ce mode de fonctionnement ne me convient pas. J’attends ton appel aujourd’hui comme convenu”.
L’employeur affirme ici que la salariée devait communiquer les informations “hier soir” alors qu’aucune mention de ce délai n’avait été fait auparavant. Plusieurs mails dans le même genre avaient été envoyés ce même jour (jusqu’à 20h36). La Cour d’Appel a retenu le harcèlement moral ici en considérant que l’employeur ne justifiait pas la décision de fin du télétravail par un objectif d’amélioration et du bon fonctionnement du service.
Concernant les mails litigieux, la Cour d’appel affirme que l’employeur reprochait à la salariée de ne pas avoir envoyé un certain nombre d’informations avant un délai sans pour autant que ce délai ne soit précisé auparavant. De plus, elle affirme que le ton employé dans les mails n’était pas justifié.
2. Partager un mail humiliant avec les collègues en copie
Si l’employeur, en plus d’envoyer des mails humiliants à un salarié, choisit d’envoyer une copie de ces échanges aux autres salariés de l’entreprise, les juges considèrent automatiquement qu’il existe un harcèlement numérique.
C’est ce qu’a décidé la Cour d’appel d’Amiens le 20 mars 2019 (n°16/02394) en affirmant que les propos de l’employeur étaient déplacés et que le fait de partager une copie des échanges aux autres salariés de l’entreprise renforçait le caractère humiliant desdits propos.
3. Des menaces par mail dans un cadre professionnel
Le fait de menacer l’avenir professionnel et/ou l’intégrité physique du salarié par le biais des mails constituent un harcèlement moral.
Ce genre de propos peuvent en effet détériorer la santé mental du salarié (encore une fois, CA, Amiens, 20 mars 2019, n°16/02394)
4. Le cyber-harcèlement d’un salarié à l’encontre d’un autre salarié sur Facebook
L’employeur est soumis à une obligation de sécurité, ce qui implique de veiller à la santé de ses employés dans une situation de harcèlement moral numérique. C’est notamment le cas lorsqu’un salarié poste un message insultant sur son mur Facebook visant clairement un autre salarié.
La Cour d’appel de Bordeaux retient les faits de harcèlement moral en soulignant qu’il importait peu de savoir si la page était privée ou non tant le message posté était explicitement adressé aux salariés (CA Bordeaux, 7 juin 2018, n°16/06088).
5. Le cyber-harcèlement de plusieurs salariés sur un groupe Facebook à l’encontre de personnes extérieures à l’entreprise
Médiatisée à l’époque, l’affaire de la « Ligue du Lol » impliquait des journalistes de Libération et des Inrockuptibles, qui avaient formé un groupe Facebook pour harceler anonymement des personnalités, principalement des féministes. Après la révélation de ces faits remontant à 2009, Libération a suspendu certains anciens membres de ce groupe, tandis que d’autres ont été licenciés.
Bien que les sanctions disciplinaires aient été prises plusieurs années après, le Code du travail le permet. En effet, l’employeur dispose de 2 mois pour agir à partir du moment où il prend connaissance des faits, un délai respecté ici.
Plusieurs journalistes licenciés ont contesté leur licenciement devant le conseil des prud’hommes, alléguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse. En novembre 2020, un journaliste de Libération a vu sa demande rejetée par le conseil des prud’hommes, mais a fait appel.
En revanche, un journaliste des Inrockuptibles a obtenu gain de cause, le conseil des prud’hommes ayant jugé son licenciement sans fondement, aucune enquête interne n’ayant été réalisée et les accusations étant basées uniquement sur des articles de presse.
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