Comment contourner une clause de non-concurrence ?
Comment contourner une clause de non-concurrence ? La clause de non-concurrence se rencontre très fréquemment dans les contrats, souvent de commerciaux, mais pas exclusivement. Cette clause interdit au salarié, après la rupture de son contrat, d’aller travailler dans une entreprise avec une activité concurrente qui porterait préjudice au précédent employeur du salarié, que ce soit dans une autre entreprise ou pour le propre compte du salarié.
Clause de non-concurrence : les questions à se poser
Quelles sont les conditions de validité de la clause de non-concurrence ?
Les conditions de validité ne sont pas posées par le Code du travail mais par la jurisprudence. Les juges, au fur et à mesure des contentieux, ont défini les contours juridiques de la clause de non-concurrence.
Pour contourner une clause de non-concurrence il y a 5 conditions cumulatives, ce n’est pas l’une ou l’autre, c’est les 5 en même temps, pour que la clause soit valable :
- 1ère condition : la clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
- 2ème condition : la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps, par exemple sur une durée de 2 ans à l’issue du contrat de travail,
- 3ème condition : la clause de non-concurrence doit être limitée dans l’espace, elle doit s’exercer dans un secteur géographique délimité défini par l’employeur,
- 4ème condition : la clause de non-concurrence doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, des possibilités qu’il y ait concurrence qui porte préjudice à l’employeur du fait de l’activité du salarié,
- 5ème condition : le clause de non-concurrence doit être rémunérée au salarié de manière suffisamment conséquente, elle doit comporter une contrepartie financière non dérisoire.
L’employeur peut-il renoncer à l’application de la clause de non-concurrence ?
Oui, l’employeur peut tout à fait y renoncer, dans ce cas il est n’est pas nécessaire de contourner une clause de non-concurrence, il suffit d’attendre que l’employeur le décide. En pratique, il faut que le contrat ou la convention collective prévoit cette faculté de renonciation, si aucune disposition contractuelle ou conventionnelle ne le précise l’employeur devra avoir l’accord du salarié,
Dans les 2 cas, que la renonciation soit prévue par une convention ou contrat ou avec l’accord du salarié, la renonciation devra être claire, non équivoque et notifiée par lettre recommandée avec accusé réception.
Quelles sont les formalités que l’employeur doit respecter pour dénoncer une clause de non-concurrence ? Peut-on le faire par un simple mail ?
Il faut respecter un certain formalisme généralement ce dernier est prévu par le contrat de travail. Dans un arrêt récent de la Cour de Cassation (3 juillet 2024, n°22-17.452), un employeur contestait l’obligation de payer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, arguant qu’il avait renoncé à cette clause par courriel. Dans ce cas spécifique, le contrat de travail stipulait que l’employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence « par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de 15 jours maximum après la notification de la rupture du contrat ». En conséquence, la renonciation n’étant pas effectuée selon les modalités prévues par le contrat, elle n’était pas valable. L’employeur devait donc respecter les conditions formelles pour que la renonciation soit juridiquement valide.
La clause de non-concurrence peut-elle être renouvelée par l’employeur ?
Oui, mais uniquement avec l’accord du salarié ! Il n’est plus possible pour l’employeur de prévoir une clause qui lui permettrait de renouveler seul l’interdiction concurrentielle. La clause qui réserve à l’employeur se réserve seul la faculté après rupture du contrat de renouveler la clause de la durée de non-concurrence est dormais nulle depuis une jurisprudence récente (Cass. Soc., 13 septembre 2023 n°21-12.006). Cela signifie en outre que le salarié n’est lié par sa clause de non-concurrence que pendant la période initiale, puisqu’elle ne peut plus être renouvelée sans son accord.
Comment calculer indemnité clause de non concurrence ?
La clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail sans contrepartie financière est nulle. Dans ce cas il est possible d’invoquer ce motif pour contourner une clause de non concurrence. C’est la même solution si la contrepartie financière est tellement faible qu’elle en devient dérisoire.
Par exemple, face à une obligation de non-concurrence d’une durée de 2 ans, la contrepartie correspondant à l’équivalent de 2,4 mois de salaire est dérisoire selon la jurisprudence (Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.721).
Ce montant est généralement calculé sur la base du salaire des trois ou douze derniers mois.Le montant doit être fixé proportionnellement à la durée et au degré d’atteinte à la liberté professionnelle du salarié au regard de ses revenus antérieurs. Très souvent, la convention collective applicable prévoit le montant de l’indemnité de clause de non-concurrence. L’employeur est tenu de s’y conformer.
L’indemnité de clause de non-concurrence ayant la nature de salaire, elle doit intégrer le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Quelle est la différence entre l’obligation de non-concurrence contractuelle et la concurrence déloyale d’un ancien salarié en droit du travail ?
En octobre 2023, une distinction importante a été établie entre l’obligation de non-concurrence contractuelle et la concurrence déloyale. Cette distinction clarifie les droits et obligations des salariés et des employeurs après la fin d’un contrat de travail.
- Obligation de non-concurrence contractuelle
La clause de non-concurrence contractuelle empêche un salarié, par engagement contractuel, de faire concurrence à son ancien employeur. En signant cette clause, le salarié accepte de ne pas exercer une activité concurrente pendant une certaine période après son départ de l’entreprise. La violation de cette clause entraîne une responsabilité contractuelle, souvent sanctionnée par l’obligation de cesser l’activité concurrente et, parfois, par le paiement de dommages-intérêts.
- Concurrence déloyale d’un ancien salarié
La concurrence déloyale, en revanche, n’interdit pas au salarié de concurrencer son ancien employeur. Ce qui est sanctionné, c’est l’exercice fautif de cette concurrence. Par exemple, l’utilisation de moyens illégitimes ou déloyaux pour concurrencer l’ancien employeur peut entraîner une responsabilité délictuelle. La preuve d’une faute est nécessaire pour engager cette responsabilité et obtenir des sanctions.
- Exemple jurisprudentiel : l’utilisation des fichiers clients par un ancien salarié
Un cas illustratif est l’arrêt de la Cour de cassation du 4 février 2014 (n° 12-29.065). Un ancien salarié avait quitté son employeur pour créer une entreprise concurrente et avait utilisé les fichiers clients de son ancien employeur pour démarcher des clients. La Cour de cassation a jugé que l’utilisation des fichiers clients constituait un acte de concurrence déloyale et a condamné l’ancien salarié à des dommages-intérêts.
Contourner une clause de non-concurrence : est-ce que le salarié a signé la clause ?
Il existe un autre moyen de contourner une clause de non-concurrence. L’employeur ne peut pas valablement opposer au salarié les stipulations d’un contrat de travail contenant une clause de non-concurrence, que celui-ci n’a pas signé et dont il n’établit pas qu’il les aurait expressément acceptées de manière claire et non équivoque, conformément aux articles L 1221-1 du Code du travail er 1134 du Code civil (Cass. soc., 1er avril 2020, n° 18-24.472).
En d’autres termes, si l’employeur ne peut pas produire le contrat de travail signé, la clause de non-concurrence ne peut pas être opposée au salarié même si ce dernier a perçu la contrepartie financière relative à cette clause. En revanche, dans un tel cas le salarié sera contraint de restituer les indemnités compensatrices perçues à tort.
Que se passe-t-il si la clause n’est pas respectée par le salarié ?
Le salarié ne respectant pas une clause de non-concurrence devra restituer la rémunération perçue à partir du jour où il contrevient à celle-ci. En plus de ce remboursement, le juge peut également condamner le salarié au versement de dommages et intérêts.
Attention toutefois, si les critères de validité ne sont pas remplis, la clause de non-concurrence est nulle.
Dans cette situation, le salarié n’est plus tenu de respecter la clause de non-concurrence. L’employeur devra donc non seulement indemniser le salarié pour la privation de liberté contractuelle illégitime mais le salarié pourra également conserver la rémunération prévue dans la clause déjà versée par l’employeur.
L’employeur peut-il récupérer l’indemnité de la clause de non-concurrence si la résiliation judiciaire est annulée en appel ?
Non, selon la Cour de Cassation, lorsque la cour d’appel annule une décision de résiliation judiciaire du contrat de travail et rejette la demande du salarié, celui-ci n’est pas tenu de rembourser la contrepartie financière de la clause de non-concurrence s’il l’a respectée après le jugement. Pour obtenir cette restitution, l’employeur doit prouver que le salarié a violé la clause pendant la période d’application. Cette obligation de non-concurrence persiste jusqu’à la fin du contrat et nécessite une indemnité compensatrice, même si le salarié n’a pas effectué son préavis.
Exemple de clause de non-concurrence
Compte tenu des responsabilités et fonctions assurées par Monsieur/Madame (nom du salarié) soit (à compléter en précisant les responsabilités attribuées qui doivent être identiques à celle indiquées sur le contrat initial), et afin de préserver les intérêts de la société, en cas de rupture du contrat de travail et pour quelque motif que ce soit, la clause suivante est conclue.
Monsieur/Madame (nom du salarié) s’engage à ne pas entrer au service d’une entreprise concurrente, ni à collaborer directement ou indirectement à toute fabrication, tout commerce ou toutes autres activités pour concurrencer les articles ou produits fabriqués ou les activités de la société.
Cette clause de non-concurrence s’applique :
- Aux zones géographiques suivantes : (à compléter en indiquant des zones géographiques les plus précises possibles, en veillant à ne pas étendre la clause à des zones empêchant par la suite la poursuite de toute activité professionnelle) ;
- Aux activités suivantes ou d’entrer au service d’une société concurrente : (à compléter en indiquant les activités précises directement concurrentes)
- Pendant une durée de : (à compléter en indiquant une durée précise qui ne dois pas empêcher le salarié de poursuivre une activité professionnelle), soit du (date début) au (date de fin) ;
En contrepartie de cette obligation de non-concurrence, le salarié percevra, pendant toute la durée de l’interdiction, une indemnité mensuelle de (montant en euros) à laquelle s’ajoutera une indemnité compensatrice de congés payés chiffrée à 10% de la valeur de l’indemnité.
Lors de la rupture du contrat de travail, quelque soit le motif, la société se réserve le droit de libérer le salarié de l’interdiction de concurrence, sans que ce dernier puisse alors prétendre au paiement d’une quelconque indemnité.
La décision de renonciation à l’application de la présente clause devra toutefois intervenir dans le délai de (à compléter) jours suivant la notification de la rupture par l’une des deux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception.
En cas de non-respect de la présente clause, la société se réserve le droit de demander le versement de dommages-intérêts dont le montant est fixé forfaitairement à (montant en euros).
En cas de doute, n’hésitez pas à vous faire assister des conseils d’un avocat en droit du travail.
Clause de non-concurrence : consulter un avocat
En tant qu’avocat au barreau de Paris et docteur en droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER est à votre disposition pour vous assister dans les situations les plus sensibles liées aux clauses de non-concurrence. Que vous soyez cadre salarié, dirigeant ou employeur, son expertise vous accompagnera dans la négociation, l’application ou la contestation de ces clauses.
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2 Responses
Bonjour Maître
Je suis parti d’une SARL( menuiserie et peinture intérieure), à laquelle j’étais cogérant, mes deux ex associés m’on fait signer une close de non concurrence sans aucune rémunération, aujourd’hui une cliente ( et amie) me demande de lui rendre service, cette close m’en empêche à la lecture du protocole d’accord.
Que puis-je faire pour contourner cette close abusive et injuste?
Mon erreur est d’avoir sous-estimé cette close et de n’avoir pas pris connaissance d’une éventuelle rémunération compensatrice.
Est-ce trop tard? ( protocole signé le 28 février 2023).
Je vous pris d’agréer Maître mes sincères salutations.
Gallic Thomas
[…] une activité concurrente à celle de son ancien employeur après la rupture du contrat. Pour être valable en droit français, elle doit respecter plusieurs critères : une contrepartie financière (indemnité compensatrice), des limites dans le temps et […]