Télétravail : quelle prise en charge des frais de transport du salarié ?
Les frais de déplacement d’un salarié en télétravail qui a fait le choix de s’installer loin de son entreprise doivent-ils être pris en charge ? Avec la popularité croissante du télétravail, la question de la prise en charge des frais du salarié en télétravail se pose de manière de plus en plus fréquente. Pour répondre à cette question, il faut distinguer le télétravail continu (ou télétravail à « 100% ») et le télétravail en alternance car les règles de ne sont pas identiques.
Télétravail & frais de transport : les questions à se poser
Télétravail continu : prise en charge totale des voyages d’affaires
Tout d’abord, il convient de souligner que les employeurs ne sont pas obligés de payer 50% du prix des abonnements de transport en commun pour les salariés travaillant à distance. En effet, cette obligation de prise en charge vise les déplacements entre la résidence habituelle et le lieu de travail (C. trav. art. L 3261-2 et R 3261-1). Or, les télétravailleurs à temps plein ne sont pas éligibles à cette aide car ils n’ont pas besoin de se déplacer pour se rendre au travail.
Il peut toutefois arriver que les salariés doivent se rendre au siège de la société, dans ce cas leurs déplacements sont considérés comme des voyages d’affaires. En effet, dans son arrêt du 14 septembre 2005 (n°03-40.180), la Cour de cassation a jugé que si le contrat de travail d’un salarié prévoyait qu’il travaillait à domicile, un déplacement au siège de l’entreprise dans le cadre de son travail est un voyage d’affaires qui doit être payé sur la base des frais réels.
Ainsi, les télétravailleurs à temps plein qui se déplacent dans les locaux de l’entreprise peuvent demander le remboursement des frais de déplacement à leur employeur au titre des frais professionnels, sauf disposition contractuelle contraire.
Télétravail partiel : la prise en charge à 50% des abonnements de transport
En revanche, des dispositions différentes s’appliquent aux télétravailleurs à temps partiel (un ou deux jours par semaine ou une semaine sur deux). Les employeurs doivent rembourser comme pour les autres salariés les abonnements de transports en commun qui ont été utilisés au moins une fois pour des déplacements entre le lieu de résidence habituelle du salarié et le lieu de travail du salarié dans des conditions normales et sans réduction du nombre de jours de télétravail.
L’employeur doit-il en prendre en charge les frais de transport des salariés qui font le choix de s’installer loin de leur travail ?
Face à l’augmentation du nombre de salariés qui ont déménagé en province lors de la crise sanitaire, certains employeurs ont mis à jour les modalités de remboursement des frais de transport pour limiter les conditions de rebroussements des transports en commun. Est-ce légale ? Oui, les employeurs doivent prendre en charge les frais de transport des salariés qui font le choix de s’installer loin de leur travail.
Dans une décision du 5 juillet 2022 (n°RG 22/04735), le Tribunal Judiciaire de Paris tranche en faveur des salariés.
En l’espèce, le trajet Paris-province devait être inférieur à quatre heures par jour aller-retour, pour être pris en charge. Un syndicat et le CSE contestaient cette mesure, qui portait selon eux une atteinte illégitime à la liberté du salarié d’établir son domicile au lieu de son choix.
« En instaurant un critère d’éloignement géographique entre la résidence habituelle et le lieu de travail des salariés, dans l’objectif de refuser le remboursement des frais de transport en commun des salariés, l’employeur a ajouté une condition qui n’est prévue ni par la loi ou le règlement, ni par les conventions applicables au sein de l’entreprise. Il a ainsi institué entre les salariés une différence de traitement qui prive une partie des salariés du remboursement des frais de transport. »
Prise en charge des frais de transport du salarié : rappel des dispositions légales
Selon les articles du Code du travail, art. L. 3261-2 et R. 3261-1 :
- L’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie
réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos.
- La prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement travail est fixée à 50 %. Ce montant peut être conventionnellement plus favorable.
Quelles sont les marges de manœuvre des entreprises et des salariés ?
Il convient de rappeler que si les entreprises ne doivent pas faire de distinction entre les avantages accordés aux salariés en télétravail et les autres, l’employeur peut prévoir, dans le cadre d’un d’accord collectif ou d’une décision unilatérale après consultation du CSE, les conditions à l’accès au télétravail, notamment celle que le domicile du salarié ne soit pas trop éloigné du siège de l’entreprise.
Cette limitation doit être justifiée : par exemple, des urgences professionnelles, des risques pour la santé du salarié des longs trajets ou bien de frais de transport excessifs pour l’entreprise. Dans ce cas, il n’y a pas de rupture d’égalité dans le traitement des salariés ; les conditions pour
bénéficier du télétravail sont les mêmes pour l’ensemble des salariés, qui par ailleurs restent libres de se domicilier où ils le souhaitent, mais en fonction auront ou non accès au télétravail.
Accompagner la mise en oeuvre du télétravail
Par une pratique combinée du droit du travail et du droit du numérique, Maître Yann-Maël Larher propose des solutions alliant impératifs juridiques et pragmatisme opérationnel. Avocat au barreau de Paris et Docteur en droit du travail, il met ses compétences au service de ses clients dans les domaines du Droit du travail et social, de la liberté d’expression en ligne et du Droit des nouvelles technologies, de l’informatique et de la communication. Il a publié « Le droit du travail à l’heure du numérique » (2021) aux éditions Nuvis.