Harcèlement moral au travail : comment le prouver ? 

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Harcèlement moral au travail : comment le prouver ? 

Harcèlement moral au travail : comment le prouver ?

Il peut être difficile de prouver le harcèlement moral au travail, car il peut souvent être subjectif et se manifester sous des formes subtiles. Il est important de noter que la preuve de harcèlement moral au travail est souvent difficile à obtenir, il est donc important de commencer à documenter et à signaler les incidents le plus tôt possible. Il est également important de rappeler que le harcèlement moral est illégal et que les employeurs ont l’obligation de protéger les employés contre cela.

Prouver un harcèlement moral au travail : quelles sont les étapes ?

Voici les étapes générales que vous pouvez suivre pour prouver le harcèlement moral au travail :

  1. Consigner tous les incidents : Notez les dates, les lieux, les personnes impliquées et une description détaillée de ce qui s’est passé.
  2. Conserver des preuves de toute correspondance : Gardez une copie de tous les courriels, les lettres, les SMS et les messages instantanés qui ont un lien avec le harcèlement.
  3. Dénoncer le harcèlement : Rassembler les preuves est une chose, mais il est important de les présenter de manière claire et convaincante. Cela inclut la rédaction d’une lettre de dénonciation étayée et l’utilisation de documents pertinents pour étayer vos allégations.
  4. Alerter l’inspection du travail et les représentants du personnel : Vous pouvez aussi prévenir le comité économique et social (CSE), s’il existe, qui dispose d’un droit d’alerte pour prévenir l’employeur de tout cas de harcèlement moral.
  5. Porter plainte : La victime de harcèlement peut porter plainte dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement (derniers propos tenus, dernier mail…).
  6. Saisir le conseil des prud’hommes : Vous pouvez saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice subi. La procédure aura lieu contre votre employeur, et ce même si ce n’est pas lui l’auteur direct du harcèlement. Dans ce dernier cas, votre employeur sera jugé pour ne pas vous avoir protégé son salarié contre le harcèlement. Il peut aussi être poursuivi pour licenciement nul (si le salarié a été licencié après avoir dénoncé des faits de harcèlement).
  7. Parler à un avocat ou un conseiller juridique : Pour choisir la meilleure stratégie et éviter de se faire licencier en réaction, un avocat spécialisé en droit du travail pourra vous aider à évaluer la situation et à adopter une stratégie éclairée.

Quels faits sont considérés comme du harcèlement moral ?

Défini par le Code du travail à l’article L1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il peut s’agir d’humiliations ou des critiques injustifiées répétées, de conditions de travail dégradées pour dégoûter la victime, une mise à l’écart qui se traduit par l’isolement du salarié, une rétrogradation ou des des sanctions injustifiées et répétées, une surveillance illégale constante… 

Si vous êtes victime de harcèlement au travail, n’hésitez pas à demander de l’aide à un professionnel (psychologue, médecin, avocat, etc.) pour vous soutenir dans votre démarche.

Quels sont les exemples de situations qualifiant une situation de harcèlement moral ?

Il existe de nombreux exemples de situations qui peuvent être considérées comme du harcèlement moral au travail.

Voici quelques exemples courants :

  1. Insultes, moqueries, railleries : des remarques désobligeantes, des commentaires dégradants, des sarcasmes qui sont répétés de manière systématique et qui ont pour but de humilier, de ridiculiser ou de faire perdre confiance en soi.
  2. Exclusion sociale : être ignoré, évité, marginalisé, écarté des décisions et des activités professionnelles par un ou plusieurs collègues ou des supérieurs hiérarchiques.
  3. Menaces : des menaces, des avertissements ou des pressions qui visent à faire peur ou à obtenir un comportement ou une décision spécifique de la part de la victime.
  4. Surcharge de travail : imposer des tâches excessives, des délais trop courts, des objectifs inatteignables qui ont pour effet de stresser, d’épuiser la victime et de compromettre sa santé mentale et physique.
  5. Harcèlement sexuel : tout comportement à connotation sexuelle qui est non désiré ou inapproprié, tels que les avances, les remarques ou les gestes déplacés.

Exemple de harcèlement moral : la mise au placard d’un salarié

  • Mettre à l’écart ou au placard un salarié, de même que l’exclusion injustifiée de réunions ou d’organigramme ou encore une diminution importante des responsabilités :  « Le salarié avait fait l’objet d’une mutation avec changement de résidence qui était irrégulière, qu’il avait été affecté à un poste de chargé de mission au contenu resté vague et peu défini, que l’employeur avait peu à peu mis l’intéressé sur un poste vide de son contenu, sans chercher une autre solution, et que ces agissements avaient entraîné une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte aux droits de l’agent, a pu en déduire que l’existence d’un harcèlement moral était établi » (Cass. Soc., 3 décembre 2008, n°07-41.491). 

Exemple de harcèlement moral : le cyberharcèlement

  • Le cyberharcèlement désigne le harcèlement d’un collègue via internet (mails, réseaux sociaux…) mais il peut aussi intégrer des tiers. A titre d’exemple, le conseil des Prud’hommes a débouté en novembre 2020 un salarié, membre d’un groupe accusé de cyberharcèlement sur un réseau social, qui contestait son licenciement plaidant qu’aucune faute n’était reproché dans le cadre de son travail.

Exemple de harcèlement moral : l’humiliation publique

  • Critiquer l’activité d’une salariée dans des termes humiliants devant les autres salariés : «  le supérieur hiérarchique de Mme X… s’était livré de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l’activité de cette dernière, en présence d’autres salariés ; qu’elle a estimé que ces faits, qui engageaient l’employeur, caractérisaient un manquement de celui-ci à ses obligations suffisamment grave pour justifier la prise d’acte (Cass. Soc., 8 juillet 2009, n°08-41.638). 

Exemple de harcèlement moral : mettre en cause la santé mentale du salarié

  • Laisser douter de l’équilibre psychologique du salarié constitue un harcèlement moral : « l’employeur avait également volontairement isolé Mme X… des autres salariés de l’entreprise en leur demandant de ne plus lui parler, qu’il avait été encore jusqu’à mettre en doute son équilibre psychologique et avait eu un comportement excessivement autoritaire à son égard ; qu’elle a pu en déduire que par leur conjonction et leur répétition ces faits constituaient un harcèlement moral » (Cass. Soc., 29 juin 2005, n°03-44.055).

Exemple de harcèlement moral : la répétition d’insultes homophobes

  • Des actes discriminatoires et des propos homophobes : dans un arrêt du  31 mars 2009 (n° 08/01639), la Cour d’appel de Douai insiste sur le caractère répétitif des actes discriminatoires et des propos homophobes, qui sont constitutifs du harcèlement moral. “Les insultes répétées proférées par un employeur à l’encontre d’une salariée caractérisent un harcèlement moral”. 

Exemple de harcèlement moral : un climat d’insécurité permanent

  • Créer un climat d’insécurité permanent pour tout le personnel : « proposer systématiquement des missions temporaires à certaines catégories de salariés, comme ceux qui sont éligibles au congé de fin de carrière (CFC) ou au départ à la retraite qui ne désirent pas quitter l’entreprise » (Cass. Crim. 5 juin 2018, n°17-87.524)

Harcèlement moral au travail : que faire ? 

Le harcèlement en milieu de travail ne se résume pas à un problème personnel. Il s’agit d’un problème de santé et de sécurité pour l’ensemble de la collectivité de travail et l’employeur doit systématiquement prendre en compte les alertes qui émanent des salariés. L’employeur qui ignore la plainte du salarié commet une faute.

Prouver le harcèlement moral au travail peut être difficile car il peut être subjectif et se manifester sous des formes subtiles. C’est la raison pour laquelle il n’appartient pas au salarié d’apporter la preuve du harcèlement moral au travail en revanche il doit dénoncer la situation à son employeur par un écrit.

Le salarié doit rapporter les faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral. Il est donc important de consigner soigneusement tous les incidents, de conserver des preuves de toute correspondance et de témoigner de témoins oculaires.

Le rôle de l’avocat saisi d’un problème de harcèlement moral est déterminant pour veiller à la bonne application des règles de preuve. La victime du harcèlement a intérêt à saisir les représentants du personnel de sa situation, car ces derniers ont le pouvoir d’alerter l’employeur et de procéder à une enquête. De son côté, l’employeur doit immédiatement procéder à une enquête. 

Comment mener une enquête pour harcèlement moral ?

Les salariés victimes de harcèlement moral doivent alerter leur employeur. Ils peuvent saisir la représentation du personnel ou la médecine du travail ou encore intenter une action en justice pour faire cesser ces agissements et demander réparation du préjudice subi.

L’employeur, alerté de faits éventuels de harcèlement moral subi par un salarié, a l’obligation de diligenter une enquête interne afin de vérifier les faits. A défaut, il manque à son obligation de prévention.

La Cour de cassation a estimé que l’absence de mise en place d’une enquête interne après des révélations et des plaintes de harcèlement moral par un salarié est un manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, entrainant un préjudice au salarié (Cass. Soc. 27 novembre 2019, n° 18-10.551). 

Quelle est la protection pour les victimes ou les témoins en cas de situation de harcèlement moral ?

L’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral.

Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi. Il résulte des articles L. 1152-2 et L.1152-3 du code du travail que la mauvaise foi ne peut pas résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis. Elle n’est constituée que lorsqu’il est établi que l’intéressé savait que les faits dénoncés étaient faux.

Viole en conséquences ces textes, la cour d’appel qui, constatant la légèreté des accusations de harcèlement portées par le salarié et l’insuffisance des informations données à l’employeur quant aux faits dénoncés, en déduit la mauvaise foi du salarié (Cass. Soc. 7 février 2012, n°10-18.035). Dans cette hypothèse, le licenciement du salarié est considéré comme nul avec, pour le salarié, l’indemnisation spécifique prévue à ce titre par l’article L. 1235-3-1 du code du travail.

Quelles sanctions à l’encontre de l’auteur de harcèlement moral ?

Il est important de rappeler que le harcèlement moral est illégal et que les employeurs ont l’obligation de protéger les employés contre cela.

Si les faits ont été commis par un salarié, le harcèlement est « un comportement rendant impossible » le maintien dans l’entreprise du harceleur et est par conséquent constitutif d’une faute grave. (Cass. Soc. 24 octobre 2012, n°11-20.085). 

Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 222-33-2 du code pénal).

L’attitude de la victime peut-elle minorer son indemnisation ? 

Non. Le comportement de la victime de harcèlement moral ne peut venir limiter le montant de l’indemnisation de son préjudice. En effet, les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé morale au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur.

«Attendu que pour limiter le montant des dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice subi du fait des agissements de harcèlement moral, l’arrêt retient que la salariée a pu contribuer par son propre comportement lors des réunions des représentants du personnel à la dégradation des conditions de travail ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé  » (Cass. soc., 13 juin 2019, n° 18-11.115). 

Avoir recours à un avocat en cas de harcèlement au travail

L’assistance d’un avocat est cruciale en cas de harcèlement dont la source est une violence psychologique commise sur le lieu travail. Si elle est difficile à prouver, la reconnaissance d’une maladie professionnelle permet néanmoins d’améliorer la prise en charge des travailleurs victime de harcèlement.

En cas de maladie professionnelle au sens de la législation de sécurité sociale, l’avocat saisi par le salarié peut engager la responsabilité civile de l’employeur. La victime peut obtenir l’annulation des mesures prises contre elle par l’employeur en cas de harcèlement au travail et des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Avocat au barreau de Paris et Docteur en droit du travail, Maître Yann-Maël LARHER, assiste les salariés victimes de harcèlement moral ainsi que les employeurs afin de prendre toute la mesure de situations critiques et sensibles pour les salariés comme pour les entreprises. 

3 Responses

  1. […] Harcèlement moral au travail : comment le prouver ? Devant le conseil de prud’hommes, c’est au salarié qui a formé une demande de dommages et intérêts pour cyber-harcèlement d’apporter des éléments de fait permettant de présumer le harcèlement. L’employeur devra alors expliquer en quoi ces faits peuvent être justifiés, sans constituer une situation de harcèlement. La jurisprudence autorise le salarié à pouvoir obtenir notamment une double réparation : d’une part, l’indemnisation spécifique au titre du préjudice résultant de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement, et d’autre part l’indemnisation au titre des conséquences du harcèlement effectivement subi (Cass. soc., 6 juin 2012, pourvoi n°10-27.694). […]

  2. […] La Cour de cassation reconnait une protection aux salaries qui dénoncent de bonne foi des agissements de harcèlement moral, encore faut-il expressément mentionner explicitement le harcèlement moral dans un écrit et d’en conserver la preuve. […]

  3. […] parler de harcèlement au travail ? Est-ce qu’il y a un tabou dans les entreprises ou plus généralement en France sur le bien […]

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